On finira par le savoir : « Ça se passe comme ça à Sin City »

Quoi de neuf à Sin City depuis 2005 ? Pas grand-chose.

Les crapules en tout genre louvoient dans les ruelles sombres et sales de la vieille ville, tandis que quelques businessmen mafieux tirent les ficelles depuis les hautes tours du quartier des affaires, ou depuis leurs villas luxueuses, sur les hauteurs. Trois récits se croisent au coeur de ce labyrinthe en noir & blanc : Dwight veut se venger de la femme fatale qui s’est servie de lui ; Nancy, du sénateur Roark, qui avait tué Hartigan dans l’épisode précédent ;  le jeune Johnny, de son propre père, le même sénateur Roark, qui l’a méprisé toute sa vie. Bref, tout le monde cherche à se venger. Au milieu de ce joyeux imbroglio, Marv, campé par Mickey Rourke, joue les arbitres, avec sa carrure imposante et sa voix caverneuse, et enchaîne impassiblement bagarres et bouteilles d’alcool.

Visuellement, rien n’a changé dans ce deuxième opus, si ce n’est l’ajout (systématique aujourd’hui pour une production de ce calibre) de l’agaçante et omniprésente 3D. Evidemment, le film est très soigné, et les images souvent saisissantes, mais sans grand renouvellement par rapport au premier film : le noir & blanc est toujours plus impressionnant lorsqu’il neige dans la nuit, et lorsque les bagarres sont filmées en ombres chinoises par une fenêtre éclairée… Rien que nous n’ayons déjà vu, donc.

Mais c’est plutôt dans l’enchaînement de ses différents « tableaux » que le film s’avère particulièrement paresseux : une scène dans un bar à strip-tease, une scène de poker, une scène d’amour aussi « torride » que clichée… Tous les éléments du film noir sont présents, mais ils sont filmés sans originalité, frontalement, sans le moindre biais qui leur conférerait une force quelconque. A force de se citer lui-même, le film finit par ressembler à une coquille vide, où chaque lieu, chaque personnage, chaque réplique semble relever de l’auto-parodie… Dont le second degré est malheureusement absent. Rodriguez continue, comme c’est le cas depuis quelques films, à confondre références et originalité (un peu comme son mentor Tarantino, d’ailleurs), et à croire que reproduire des « ambiances cool » suffit à faire tenir un film… Au point de sembler se moquer totalement de tout le reste.

Un exemple, rapide et non-spoilant : l’un des hommes de main de la fameuse « femme-pour-qui-tuer » du titre vient de prendre 5 ou 6 balles dans le torse. Il se relève, en annonçant fièrement à son agresseur : « Aucun tir à la tête » – sous-entendant ainsi qu’il porte un gilet pare-balles. Mais quelques secondes plus tard, la femme en question l’achève en lui tirant à nouveau une volée de balles… Dans le torse! Ca n’a l’air de rien, ce genre de détail, mais ils témoignent justement de l’abandon total du metteur en scène, qui se contente de faire répéter à tous ses personnages (dans des voix off omniprésentes, aux différentes intonations toujours très viriles) : « Ça se passe comme ça à Sin City ». Comme si les personnages eux-même s’excusaient de ne pouvoir nous offrir un meilleur spectacle.

Sin City : j’ai tué pour elle, Frank Miller & Rodriguez, avec Eva Green, Josh Brolin, Jessica Alba, Etats-Unis, 1h42.

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