Boro In The Box & Living Still Life : la poésie sensuelle et organique de Bertrand Mandico

Bertrand Mandico est sorti diplômé de l’école de cinéma d’animation des Gobelins en 1993. Depuis, il a réalisé une œuvre singulière et foisonnante, des films de tous les formats, de tous les genres, du clip au cinéma expérimental, en passant par l’habillage télévisuel et la vidéo. Living still Life a d’ailleurs été exposé à la Villa Médicis en février 2014, dans le cadre du programme Ciné-Organica.

Ce touche-à-tout, qui pratique autant l’animation que les arts plastiques ou la prise de vue réelle, avoue préférer systématiquement le tournage en 16 mm sans prise de son direct. La postsynchronisation occupe donc une place primordiale dans ce cinéma très sensitif. Le son, assez souvent sur-mixé, vient systématiquement surligner ou amplifier l’idée visuelle. Bertrand Mandico est surtout un cinéaste d’une grande sensualité de la forme et du mouvement, qui allie l’évocation de la chair à celle de la nature. Dans Boro in the Box particulièrement, la récurrence d’un son visqueux et dégoûtant, sorte de boue mêlée à un liquide gluant, confère au film sa dimension essentiellement organique.

Sous forme d’un abécédaire poétique, Boro in the Box raconte la vie de Walerian Borowczyk, cinéaste et plasticien polonais, sorte de double obscène et sulfureux de Mandico. Boro a une boîte en bois à la place de la tête, il est très doué pour dessiner les oiseaux – terme qui désigne les femmes nues qu’il croise avec son père au cours de leurs expéditions du dimanche. Un corbeau noir qui pénètre avec violence dans le trou unique de sa boîte de tête, évoque métaphoriquement le plaisir ressenti lors de son premier rapport sexuel.

L’image, filmée sur pellicule noir & blanc, de même que le cadrage et les mouvements de caméra, sont scrupuleusement et admirablement travaillés. Le film déploie un imaginaire fait d’arbres et de boue, de neige, de femmes nues, d’ombre et de lumière, dans une harmonieuse langueur. Le magnifique plan-séquence du premier tournage de Boro, qui laisse apparaître les différents composants visuels de ses premiers films, se déroule comme une chorégraphie sensuelle, mystérieuse et envoûtante. Au-delà de sa seule beauté plastique, le film raconte avec autant d’originalité que de précision et de finesse les différentes étapes de la vie de Boro, de sa naissance à la fin de sa carrière de cinéaste, en passant par la guerre, la mort, ou encore sa rencontre avec l’inspiration.

Leaving still Life, quinze minutes seulement, surprend lui dans certains plans très lumineux et colorés. Le film, plus abscons, plus court, a peut-être davantage sa place dans une biennale d’art contemporain qu’au cinéma. Néanmoins, l’idée initiale, celle d’une femme seule réanimant virtuellement et métaphoriquement des cadavres d’animaux grâce à la technique du stop-motion, fonctionne presque aussi bien dans sa forme narrative que seulement plastique. La technique de l’animation s’insère ainsi très naturellement dans la fiction.

Boro in the Box et Leaving still Life sont surtout la preuve qu’un cinéma plus formaliste peut se draper dans une audacieuse sensualité, sans pour autant ennuyer. Ils sont aussi la preuve que certains cinéastes sont à même de créer un univers intérieur aussi riche que singulier, capable de flirter aussi bien avec le lyrisme qu’avec de très légères touches d’humour. Ces deux petits films de Bertrand Mandico ravivent l’espoir d’un cinéma audacieux et véritablement créatif.

Boro in the Box & Living still Life, Berrand Mandico, avec Elina Löwensohn, Thierry Benoiton, Jacques Malnou, France, 56′.

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