Borgen saison 3, l’éclaircie politique

A partir du 3 octobre, Arte diffusera la troisième et dernière saison de Borgen, une femme au pouvoir, la série politique danoise qui voit l’avènement de Birgitte Nyborg, chef du parti centriste, au poste de premier ministre. Personnage solaire, déterminé, intègre et intelligent, Birgitte mesurait dans les deux premières saisons l’épaisseur du mur de l’immobilisme politique, qu’elle entreprenait ensuite de dynamiter, acceptant de sacrifier dans l’opération son mariage. Mais lorsque sa fille, victime de la pression médiatique, tombe en dépression et devient le centre d’un débat sur l’hôpital privé, Birgitte s’interroge. Après trois ans au pouvoir, pendant lesquels l’essentiel des réformes promises ont été menées à bien,  s’il était temps de passer la main ? La saison 2 s’achevait sur une dernière manœuvre de la première ministre. Avec un appel à des élections anticipées, Birgitte surprenait tous ses adversaires.

"Et en plus, j'ai de jolies jambes"

 "Et en plus, j'ai de jolies jambes"

L’ellipse entre la saison 2 et la saison 3 est un temps de pause pour notre femme politique préférée. Depuis son échec aux élections anticipées, Birgitte est devenue conférencière dans le monde des affaires. Côté personnel, c’est le beau fixe. Mais côté Danemark, la coalition de droite menée par Hesselboe n’en finit pas de s’extrêmiser.

Série politique hyper réaliste, Borgen s’interroge sur deux phénomènes conjoints, communs à une grande partie de l’Europe du Nord, France de Sarkozy comprise : si la droite, pour gouverner, promeut des lois en contradiction avec l’idée même de République, en particulier avec des lois sur l’immigration qui dérogent à sa constitution, un espace se dégage, par un effet de domino, au centre de l’échiquier, dont la gauche peine à s’emparer. Cet espace central, c’est celui de tous les possibles. Pour Birgitte, c’est l’occasion de revoir la copie et de dessiner les contours politiques et moraux d’un trait net pour lutter contre les lâchetés quotidiennes, avec la création d’un nouveau parti, les Nouveaux Démocrates. Difficile alors pour le spectateur français de ne pas penser aux élections de 2005 et à l‘épopée de François Bayrou qui s’en est suivie avec la création du Mouvement Démocrate. Car Birgitte et François ont de nombreux points communs : courage et intégrité politique, mais aussi une belle habileté rhétorique. Mieux, ils partagent une couleur, le orange.

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"Birgitte Nyborg, c'est moi!"

Mais si les premiers épisodes instaurent les ressemblances entre la fiction et la réalité, dans une perspective toute française, la suite de la saison permet de faire le point sur les différences. Différences culturelles d’abord. Le Danemark est un pays qui ne se gouverne que par coalition, qui est rompu à l’art de la négociation et qui possède un véritable parti centriste, organisé autour de valeurs politiques établies (libéralisme contrôlé, énergie verte, état fort, droits de l’homme) qui permettent à Birgitte de s’en réclamer pour éclater le parti centriste auquel elle appartenait dans les deux premières saisons et qui s’est compromis avec l’extrême droite. Mais aussi différences morales. Ce que l’on voit se mettre en place dans la saison 3 de Borgen, à travers les histoires personnelles de chaque personnage (le divorce de Katrin avec un enfant très jeune, le fonctionnement de la famille recomposée de Birgitte), mais aussi avec un épisode époustouflant de clarté sur la question de la prostitution, c’est un état des lieux de la société moderne, avec ses contradictions mais aussi sa possible pacification par un pragmatisme à la danoise. Plusieurs questions extrêmement simples, mais vitales dans l’espace social, se posent : qu’est-ce que la loi ? qu’est-ce que l’éthique ?  qu’est-ce que la morale ? (dans l’épisode où se discute une loi sur l’interdiction de la prostitution, comme en Suède, les femmes du parti de Brigitte se posent successivement la question : pour qui est-ce que je veux l’interdire ? pour les femmes qui en sont victimes ? pour juger les hommes ? pour mon idée de la société ?).

Borgen, c’est l’anti House of cards (cynisme+complexité pseudo-chiquée). De la même manière que Birgitte considère qu’il faut toujours garder une part d’idéalisme en politique, la série procède à un éclaircissement progressif des sujets dont elle s’empare et fait le pari qu’on ne peut pas innover en politique tout en restant, moralement parlant, un conservateur obsédé par le culte de la personnalité. La deuxième chose que nous apprend Borgen sur le monde politique, c’est que, autant que de le simplifier à outrance, sur-complexifier le monde est un fascisme et que les hommes politiques doivent être ces visionnaires qui gardent le cap et sont capables d’en faire comprendre la direction à leurs électeurs.

En définitive, Birgitte Nyborg, ce n’est pas François Bayrou.

Birgitte Nyborg, c’est Alain Badiou.

alain badiou

" Je suis comme l'amour, jamais là où on m'attend" 

 Borgen Saison 3, série créé par Adam Price, Jeppe Gjervig Gram et Tobias Lindholm, avec Sidse Babett Knudsen, Birgitte Hjort Sørensen, Pilou Asbæk, Søren Malling, Danemark, 2013, 10X58 min.

Diffusé à partir du 3 octobre sur Arte en VO stfr et VF.

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