Gimme the Loot

Il y a plusieurs bonnes surprises dans le premier long-métrage d’Adam Leon, présenté à Cannes cette année dans la sélection Un Certain Regard. La première est la qualité de son scénario, dont l’apparente simplicité cache dans ses recoins quelques très bonnes idées, et qui est construit de manière à remplacer progressivement l’enjeu initial par un autre, à la fois plus évident, mais aussi plus intime et donc, plus excitant.

Le film retrace deux journées dans la vie de Sophia et Malcolm, adolescents du Bronx et grapheurs en herbe, qui décident de s’inscrire dans une légende urbaine du graph New-yorkais : bomber la pomme géante du stade des Mets, équipe de base-ball locale. Pour cela, il leur faut 500 dollars destinés à graisser la patte du gardien. Evidemment, Sophia et Malcolm sont fauchés, et vont passer ces deux jours d’été à cumuler les combines (deal de weed, revente de bombes de peinture, et même tentative de cambriolage) pour rassembler l’argent. Evidemment, aucune des ces combines n’aboutira, mais la déception grandissante laissera la place, dans ces jeunes cœurs, à une découverte bien plus importante : oui, il peut exister autre chose, pour un garçon et une fille de cet âge, qu’une virile camaraderie.

Ce récit, qu’on imagine sans peine évoluer tout au long d’un tournage léger, est l’occasion pour Adam Leon de faire une petite virée dans un New York rarement montré, celui des quartiers pauvres, des terrains vagues, des squats, des caves et des toits ; l’occasion de montrer qu’il existe encore un choc des cultures entre la pauvreté d’un gamin du Bronx et le confort d’un appartement upper class, mais sans avoir besoin d’insister. Car la deuxième bonne surprise est le choix de montrer ces lieux et ces personnages sans misérabilisme, en axant plutôt le film sur la vitalité des adolescents, jamais à court d’idées saugrenues, la bouche débordant d’une tchatche qui est, autant que leurs graphs, la marque de leur personnalité. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser au dernier film de Michel Gondry, avec lequel Gimme The Loot partage une tendresse pour des personnages turbulents dont il montre les failles (une petite tendance à la délinquance) en se gardant bien de les juger.

Autre bonne surprise, la facture du film, alliance de pellicule à gros grain (autrement plus agréable à l’œil que le numérique cru et trop défini, habituel à ce genre de production indé), de plans larges bien composés et de montage efficace : les couleurs utilisées, presque pastel, donnent à ce New York estival une douceur à la fois joyeuse et mélancolique, tandis que les morceaux constituant la bande-son (rythm’n’blues langoureux, funk, et une touche de rap old-school) évoquent les années 80, monde mythique d’où les jeunes héros tirent la vidéo qui leur inspire leur projet fou.

En choisissant la voie de la sincérité et de l’optimisme, Adam Leon livre un premier film modeste mais d’une honnêteté sans faille, drôle et cruel, créatif sans être poseur, attentif à ses personnages et à la cohérence de son univers : un film qui donne fortement envie de voir les prochains.

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