Life of Chuck : la Flanaganerie n’est jamais finie

Qui empêchera Mike Flanagan d’adapter du Stephen King ? Vraiment plus personne. Avant sa relecture de Carrie en série, à venir pour Prime Video, c’est avec Life of Chuck, l’adaptation d’une des nouvelles du recueil Si ça saigne, que le cinéaste fait son retour. Du King, il en bouffe à la pelle, et toujours sans arriver à l’indigestion : Flanagan a déjà adapté Jessie pour Netflix et réussi l’exploit de faire de son Doctor Sleep une œuvre qui rend autant honneur à l’esprit de l’œuvre originelle qu’au film The Shining de Stanley Kubrick (pourtant détesté par l’auteur).

Si Stephen King a habitué ses lecteurs à des changements de style, autant dans son écriture même que dans les genres qu’il explore, c’est un peu moins le cas pour Mike Flanagan, dont la filmographie se compose exclusivement d’œuvres d’épouvante. Quand on regarde quelques images de Life of Chuck, sans rien connaître du film, on pourrait presque croire qu’il s’agit d’une anomalie totale dans sa filmographie. Tom Hiddleston qui danse seul au beau milieu d’une rue ensoleillée ? Une bande-annonce tout aussi lumineuse que ces images ? Ne vous laissez pas berner par les apparences : il y a beaucoup plus de choses en commun entre Life of Chuck et les précédentes œuvres de Mike Flanagan qu’on ne pourrait le croire…

Un monde au bord du gouffre. Un homme en costume cravate sort de sa routine pour se laisser happer par la musique. Un orphelin tente de découvrir le secret de son grand-père. Trois chapitres racontés dans un ordre inversé. Trois histoires qui semblent totalement différentes, mais qui ont pourtant un fil commun : ce bon vieux Chuck Krantz…

City of Stars Flanagan Edition

Comme son titre l’indique, Life of Chuck est l’histoire de Chuck Krantz. Merci Gab, heureusement que tu es là pour prendre la relève de Captain Obvious, me direz-vous. Mais qui est ce fameux Chuck ? C’est la question qui travaille tout autant le spectateur que les personnages que nous découvrons dans le premier acte (ou troisième, chronologiquement), alors que leur monde bascule peu à peu dans le chaos. Chuck est au centre du film comme il est au cœur d’un univers tout entier.

C’est à rebours que le mystère se dissipe, et dans des temporalités très différentes : les dernières heures d’un monde, les quelques minutes d’une danse, les premières années d’une vie. Des bribes portées par la voix off de Nick Offerman, un narrateur cocasse (un humour qui rappelle évidemment le style parfois acerbe de Stephen King) qui cherche à donner un peu de sens à ce que l’on s’apprête à voir, tout en restant dans une approche très sensorielle. L’intrigue se tisse à travers des souvenirs et divers éléments déclencheurs : un mouvement, une musique. Littéralement ce qu’on appelle des éléments de set-up pay-off en écriture scénaristique. Quelque chose de très classique, mais qui a ici autant de sens pour le spectateur que pour les personnages : certains ne savent pas qui est Chuck (nous non plus), Chuck ne sait pas pourquoi il a autant envie de danser dans la rue (nous non plus), Chuck ne sait pas ce que lui cache sa famille (nous non plus). Cette méthode, qui est habituellement du foreshadowing, le fait d’annoncer quelque chose à venir, est ici totalement contrecarrée, puisque c’est en allant vers le passé que tout prend sens.

Quand on connaît l’œuvre de Mike Flanagan, il y a de quoi se sentir désemparé face à une histoire qui semble parfois beaucoup plus lumineuse. Pourtant Life of Chuck reprend toutes ses obsessions pour le genre humain, la temporalité (ou atemporalité)… ou la mort. On pense notamment au « twist » de Victoria ou aux fantômes cachés dans The Haunting of Hill House, ou encore aux disparitions funestes de Midnight Mass. Mais surtout, la structure de l’œuvre, et en particulier sa première partie, donnent toujours l’impression de voir Flanagan continuer à s’amuser avec la plus grande des libertés dans son bac à sable créatif. Lui et Stephen King se sont trouvés et semblent prêts à ne pas trop se lâcher et, dans le film, on a parfois un peu l’impression de faire face à un nouveau Truman Show en retrouvant encore et toujours les têtes habituelles de l’univers cinématographique Flanagan. Karen Gillan, présente dans Oculus, sa femme Kate Siegel, Samantha Sloyan, Jacob Tremblay, Rahul Kohli, Annalise Basso, Violet McGraw, Carla Gugino… Le monde entier est une scène, et Life of Chuck en est une de ses répétitions. Et moi, je suis au premier rang pour chacune des représentations.

Life of Chuck, un film de Mike Flanagan. Avec Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Matthew Lillard, Mark Hamill, Samantha Sloyan, Annalise Basso, Karen Gillian, Jacob Tremblay… Sortie dans les salles françaises le 11 juin 2025.

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