Housenka, ou The Last Blossom dans son titre international, était mon premier long métrage en compétition vu cette année à Annecy. La séance du lundi matin, neuf heures et demi, au Pathé (ma deuxième maison, après la grande salle de Bonlieu). Ce que je ne savais pas encore, c’est que la salle dans laquelle le film était projeté avait été refaite. C’est devenu la Pathé premium expérience, avec des sièges en cuir inclinables (et un premier rang allongé). Bref, tout ce qu’il me faut pour me pousser à somnoler devant une séance en étant confortablement installé. Je crois que le Festival d’Annecy veut ma peau (complotisme au niveau maximal).
En 2023, Akutsu un ancien yakuza âgé et condamné à perpétuité est sur le point de mourir dans sa cellule. Une fleur d’housenka lui dit : t’as eu une grosse VDM. Akutsu commence alors à ressasser le passé, pendant l’été 1986. Il vivait avec Nana (pas une nana, « la » Nana) et son fils Kensuke dans un petit appartement, avec un jardin rempli d’housenkas… Akutsu tente de concilier sa vie de famille avec son rôle de malfrat.

Premier long métrage de Baku Kinoshiata, Housenka recense les obsessions cinématographiques et thématiques de son réalisateur. Lorsqu’il présentait son projet en work in progress à Annecy l’an dernier, il indiquait à nos confrères du Journal du Japon que les histoires de crimes et de mafias, en particulier dans le monde des yakuzas, sont devenues celles qu’il préférait et qu’il avait envie d’explorer dans sa filmographie. Le portrait d’un vieil homme au bord de la mort, contraint de regarder en arrière, nous sort d’une action entièrement linéaire avec des « morceaux choisis » de la vie d’Akutsu. Car de sa vie de yakuza, nous n’en verrons finalement pas grand chose. Ce qui importe ici, c’est davantage son intimité.
L’esprit des yakuzas plane en permanence comme une ombre : rivalité entre les dirigeants du milieu, hommes de main malléables (pour ne pas dire stupides), trahisons, effusions de sang… tout ce que l’on peut attendre d’un film de yakuza est bel et bien là. Pourtant, ce qui surprend dans Housenka, c’est la manière dont son héros se bat contre lui-même. Un homme stoïque, qui ne parvient pas à exprimer ses sentiments envers ceux qu’il aime. Qui tente d’éloigner le plus possible ses affaires de son espace personnel. Et qui se rattache à des souvenirs heureux, sensoriels, qui deviennent des effractions dans le récit. Comme ce feu d’artifices introductif, qu’Akutsu observe depuis sa fenêtre, et dans lequel on se plonge en virevoltant, et en musique. De la musique encore, quand Akutsu et Nana recréent un rythme de chanson à l’aide d’un micro-ondes et d’un rouleau de scotch.
C’est cette pointe de surnaturel qui permet aussi à Housenka de tirer son épingle du jeu. Justement avec cette petite fleur rouge qui parle (beaucoup). Et quand elle s’adresse à Akutsu, c’est bien souvent pour lui en mettre plein la gueule. Une petite voix cinglante, et une plante qui s’anime comme un être humain : ses feuilles deviennent des bras qui se croisent ou qui cherchent à bousculer ce vieil homme en rétrospection. Car depuis le jardin, la plante a été témoin de tout ce qui s’est passé. Et au fur et à mesure qu’Akutsu retrace son histoire, il se débat aussi avec cette petite plante, chacun avec sa version des faits. Quand on pourrait croire que l’histoire s’arrêterait à l’arrivée d’Akutsu en prison, il a d’autres surprises en réserve. Bien plus qu’une simple histoire de yakuzas, Housenka est surtout la belle histoire d’amour d’un homme séparé des siens. Espérons qu’elle sorte en salles !
Housenka (The Last Blossom), un film de Baku Kinoshita. Présenté en Compétition officielle au Festival d’Annecy. Pas de date de sortie française connue.