Die, my love et The Chronology of water : Passer la psyché au feu et à l’eau

L’un des grands plaisirs d’un festival de cinéma, c’est qu’en enchaînant les séances, on voit plus facilement les œuvres se répondre les unes aux autres. On peut ainsi parfois trouver, le temps d’une sélection, une thématique récurrente, une façon de filmer ou une obsession de l’époque rejaillir dans les films projetés. En fin de première semaine, deux œuvres avaient plus que les autres des réflexions communes : Die, my love et The Chronology of Water. Le premier est un film en compétition de la réalisatrice britannique Lynne Ramsay. Le deuxième est présenté à Un Certain Regard et est l’œuvre d’une jeune cinéaste dont c’est le premier long-métrage mais dont le nom ne vous est certainement pas inconnu : Kristen Stewart. Les deux films à leur manière déconstruisent la psyché de jeunes femmes et réfléchissent à la façon de représenter les violences psychiques et leurs séquelles dans la mise en scène elle-même. Je vais donc parler des deux films dans un seul article. Non seulement ça me fait gagner du temps mais en plus comme Robert Pattinson joue dans Die my love, ça fait un article avec lui et Kristen Stewart dans les mots-clés, ce qui va faire exploser notre nombre de lecteurs et Renaud mon rédac-chef me donnera une super prime à la fin de l’année !

Commençons par Die, my love qui a divisé le public cannois. On y suit la dépression de Grace (Jennifer Lawrence), venue vivre avec son compagnon (Robert Pattinson) dans une maison perdue afin d’y construire une famille. Mais, très vite dans le film, on comprend que Grace n’est pas heureuse et qu’elle ne sait pas très bien pourquoi. On a beaucoup parlé de dépression post-partum en décrivant le film. Et le film évoque directement le sujet puisque toutes les femmes du film qui tentent d’aider Grace lui expliquent à quel point cette phase est répandue. Mais le film reste toujours très ambivalent sur cette question. La dépression de Grace n’est jamais montrée comme étant directement liée au bébé qu’elle a. D’ailleurs ce dernier est très en retrait dans le film, et ne participe quasiment jamais à l’action du film. Il se transforme presque en élément de décor, toujours présent mais jamais déclencheur de l’intrigue. Le mal qui touche Grace semble être bien plus général que son rapport à la maternité. Et justement, le fait que personne ne comprend ce qu’elle ressent est un des leviers principaux du film, notamment dans la façon dont fonctionne son couple avec Jackson, brillant Robert Pattinson en homme passif qui ne semble jamais pouvoir ni parfois vouloir véritablement aider sa femme.

Pour le bien de mon article j’aurais aimé une photo avec du feu pour Die, my love, mais le service presse me propose une photo où Grace boit de l’eau, comme pour me narguer

Pour représenter l’état mental de Grace, le film se rend lui-même mal aimable dans son travail du son et de l’image. Des coupes brusques, des sons irritants et redondants, des inserts qui donnent l’impression d’une spirale infinie, tout est mis en place pour rendre compte formellement du chaos mental dans lequel vit Grace en permanence. C’est là que le film va perdre une partie de son public qui y verra une emphase insupportable et une multiplication d’effets ridicules. Alors oui, certes, ça se défend. Mais le film réussit quand même, notamment grâce à l’incroyable prestation de Jennifer Lawrence à rendre compte avec un brio assez remarquable de la déconnexion progressive de Grace avec son entourage. Son regard qui se vide dès qu’elle doit tenir une conversation mondaine lors d’un repas est saisissant de réalisme. Lynne Ramsay utilise le bruit et la fureur pour trouver chez Grace une sincérité du désespoir particulièrement intense. Un chaos qui porte tout le film, qui éreinte, qui détruit et brûle d’une flamme hypnotisante.

Chez Kristen Stewart c’est l’eau qui prédomine. The Chronology of Water est inspiré des récits de l’autrice américaine Lidia Yuknavitch, interprétée par Imogen Poots. Pour son premier film, en gestation depuis plusieurs années, Kristen Stewart n’y va pas non plus avec le dos de la cuillère. Le film nous cueille dès le début par le récit d’un inceste dans une mise en scène percutante. Des coupes brusques, des sons irritants et redondants, des inserts qui donnent l’impression d’une spirale infinie… ça vous dit quelque chose ? Mais il y a dans The Chronology of Water une démarche artistique plus radicale encore que pour Die my Love. La psyché de Lidia est en effet explorée de fond en comble par la mise en scène qui utilise des images subliminales et une confusion des époques pour nous montrer la déconstruction personnelle de cette femme qui tente de se retrouver dans l’art après une succession de traumatismes. Cette radicalité rend le film de Kristen Stewart très audacieux et intéressant. Mais il le condamne parfois, notamment dans sa deuxième partie, à ressembler parfois à un projet « artsy » typique du cinéma indépendant new-yorkais, la faute à un excès d’artifices et à la thématique de l’artiste qui se découvre, un peu trop courue.

Ces deux films ont donc le temps d’une journée cannoise donné à voir deux déconstructions de psychés féminines, intéressantes à la fois par leurs similitudes dans les choix de mise en scène et par leurs différences. Deux œuvres en tout cas radicales dans leur traitement et n’ayant pas peur de s’aliéner une partie de leur public. Deux œuvres portées aussi par deux remarquables prestations d’actrices qui pourront prétendre à une récompense dans leurs sélections respectives.

Die, my love un film de Lynne Ramsay, avec Jennifer Lawrence, Robert Pattinson et Sissy Spacek, date de sortie en France inconnue.

The Chronology of water, un film de Kristen Stewart avec Imogen Poots et Thora Birch, date de sortie en France inconnue

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