C’était l’un des projets les plus alléchants de cette sélection : l’adaptation du roman à succès de Fatima Daas, La petite dernière, par Hafsia Herzi. On avait hâte de voir comment l’actrice-réalisatrice à la carrière passionnante allait s’approprier ce court livre explosif sur la construction d’une adolescente lesbienne et musulmane.
Autant le dire tout de suite, le film est à la hauteur de nos attentes. Avec La petite dernière, Hafsia Herzi confirme son talent pour filmer ses personnages avec justesse et sincérité. La réalisatrice, également à l’écriture du film, a fait le choix de ne pas reprendre le rythmé syncopé et fragmenté du roman. L’histoire de Fatima est raconté chronologiquement au fil des saisons qui s’égrènent avec douceur. Son histoire est celle d’une adolescente qui doit se confronter à ses identités, notamment son homosexualité. A travers ses rencontres et ses doutes, Fatima va tenter de trouver sa place dans ce moment fragile entre la fin de l’adolescence et le début de la vie d’adulte.
La question de l’homosexualité de Fatima n’est quasiment pas un sujet de doute dans le film. Fatima sait, au fond d’elle, dès le début, qu’elle aime les femmes. Mais elle ne sait pas encore ce que cela signifie tant sexuellement que sentimentalement. Et ce sont ces découvertes que La petite dernière nous propose de partager. Comme dans ses précédents films, Herzi aime ses personnages et son amour est contagieux. Son regard doux et tendre permet de montrer sans pudeur ni jugement certaines facettes de la communauté lesbienne. La petite dernière n’est jamais didactique ni surécrit. Les dialogues sont naturels, le temps s’écoule avec une fluidité maitrisée et l’on assiste à l’éclosion de Fatima sans jamais avoir eu l’impression d’un récit forcé.
Une actrice est née
Malgré cela, on pourrait éventuellement regretter que le film reste beaucoup plus classique que le livre qu’il adapte. Ce récit d’émancipation lesbien ne casse pas les codes du genre. Et même le rapport à l’Islam, si important dans le livre de Fatima Daas, est finalement un peu plus en retrait ici. Mais c’est sûrement à ce prix que le film trouve sa tonalité si juste et sa luminosité si rafraîchissante.
Impossible de ne pas consacrer quelques lignes à Nadia Melliti, actrice débutante qui est aussi la principale raison de la réussite du film. De manière subtile, l’actrice accomplit parfaitement la transformation de Fatima et réussit à lui inculquer une identité attachante entre timidité et malice. Hafsia Herzi ne s’y trompe pas et fait régulièrement confiance au visage si fascinant de l’actrice pour porter un plan. On se demande régulièrement notamment au début du film dans les scènes les plus mutiques du personnage, à quel point Herzi a projeté sa propre façon de jouer dans Melliti. Mais au long du film, alors que le personnage s’affirme en tant que femme, Melliti montre qu’elle a sa propre identité d’actrice. Elle s’affiche déjà comme une des prétendantes au prix d’interprétation féminine de ce Festival et on a hâte de la retrouver sur de futurs projets.
Hafsia Herzi confirme donc avec La petite dernière son nouveau statut de réalisatrice importante de la nouvelle scène française. Sa première sélection cannoise lui vaudra sans doute une place au palmarès et on lui souhaite un beau succès en salles. Espérons que cela lui permette un peu plus de folie dans ses prochains projets.
La petite dernière, de Hafsia Herzi avec Nadia Melliti et Park Ji-min, en salles le 1er octobre 2025