Put your soul on your hand and walk : Fatima Hassona, le bruit contre les crimes d’Israël

Comment parler de ce film ? La présentation du documentaire de Sepideh Farsi dépassait évidemment le cadre du cinéma de festival. Car entre la sélection du film à l’ACID et sa présentation hier, Fatima « Fatem » Hassona, a été tuée par des missiles de l’armée israélienne. La diffusion du film et le débat qui a suivi avec certains des cinéastes du comité de sélection de l’ACID était donc particulièrement chargée en émotions, la tristesse bien sûr, mais la colère, aussi.

Sepideh Farsi, réalisatrice de documentaires et militante iranienne exilée en France, a filmé ses discussions par visio avec Fatem depuis un an. Fatem vit dans la bande de Gaza et documente sa vie là-bas en photographiant ce qui l’entoure. Sa passion pour la photographie est devenue depuis le 7 octobre, une mission vitale : témoigner de ce qui se passe à Gaza et montrer au monde la réalité du massacre organisé par le gouvernement israélien. C’est donc ces discussions que le film nous montre, entrecoupées parfois des images prises par Fatem.

Évidemment, la communication est compliquée avec Gaza. Farsi s’empare de cet obstacle et au lieu d’essayer de le gommer en fait l’un des leviers de son film. La qualité sonore est mauvaise, les discussions sans cesse interrompues, les phrases parfois inaudibles. Farsi utilise tous ces défauts de communication pour souligner la fragilité du lien qui l’unit à Fatem. Chaque moment de discussion semble relever du miracle et chaque « au revoir » tient plus de la prière que de la formule de politesse. A travers ces moments volés au massacre, Sepideh et Fatem tentent de se comprendre et de se connaître. Fatem ne se dépare jamais de son sourire souvent déconcertant. Même quand elle liste les amies et les membres de sa famille qu’elle a perdus, même quand elle montre un immeuble voisin qui vient d’être détruit, même quand elle évoque ses rêves (un poulet et du chocolat), Fatem sourit à Sepideh et nous sourit. Mais on devine à certains silences, à certains regards que l’espoir est de plus en plus dur à trouver et que les conditions de vie empirent à chaque nouvel appel.

Fatem accompagné de son frère, également tué par les missiles israéliens

Ce film aurait été un témoignage brillant de l’horreur de ce que vivent les Gazaouis. Dans un registre différent du magnifique No Other Land l’année dernière, peut-être moins dur à regarder mais tout aussi émouvant. On aurait applaudi à la fin de la séance, peut-être que Fatem Hassona aurait réussi à faire le déplacement pour porter elle aussi ce film et son témoignage. Cela aurait été un élément de plus pour dresser le tableau des atrocités commises là-bas par le gouvernement d’extrême-droite israélien.

Mais l’assassinat de Fatem bouleverse la nature même de ce film et de sa présentation à Cannes. La réalisatrice a précisé dans les discussions après la séance que Fatem Hassona a été ciblée par l’armée israélienne. Cette assertion s’appuie notamment sur les travaux solides de l’ONG Forensic Architecture. C’est donc la détresse et la colère qui ont frappé les spectateurs à l’issue de cette présentation. Et face à l’impuissance, l’envie de résister : « comment peut-on faire pour l’aider à rendre sa mort aussi bruyante qu’elle le souhaitait ? » interroge un spectateur.  En s’organisant, répond Sepideh Farsi. Et en accompagnant ce film dont la présentation à l’ACID doit être une simple première étape.

Alors qu’Israël continue de bombarder sans relâche la bande de Gaza, alors qu’Israël tombe jour après jour un peu plus le masque sur ses vraies intentions (cachées uniquement pour ceux qui refusaient de voir) sur le territoire de Gaza (et sur toute la Palestine), alors que les grandes puissances continuent à rivaliser d’impuissance choisie, la voix de Fatem doit plus que jamais être portée, magnifiée et démultipliée. Car c’est tout ce qui nous reste d’elle, de son combat et de tous ceux qui ont été condamnés au silence par les crimes de l’armée israélienne.

Put your soul on you hand and walk away, un film de Sepideh Farsi, avec Fatima Hassona, sortie en France le 24 septembre 2025

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