Presque vingt ans après son adaptation filmique remarquée de Death Note, le réalisateur japonais Shusuke Kaneko (surtout apprécié pour sa trilogie Gamera des années 90 et son terrifiant film Godzilla de 2001) revient sur le territoire des jeunes psychopathes. Gold Boy, qui transpose une série dramatique chinoise (The Bad Kids) en deux heures de film, est l’histoire rocambolesque de trois collégiens qui filment un meurtre par accident puis décident de faire chanter le tueur pour l’extorquer.
C’est aussi, disons-le, absolument n’importe quoi. Un film à la photographie ultra léchée et élégante, au point d’en devenir carrément vulgaire dans ses excès, et donc parfaitement approprié pour une histoire absolument fantasque, plus riche en twists et révélations surprises qu’un été politique en France 2024, et parfaitement grossière.
Dans les dix premières minutes, on assiste à un double assassinat déguisé en accident (un type pousse ses beaux-parents du haut d’une falaise pour récupérer le contrôle de l’entreprise familiale), un enterrement de collégienne suicidée, et à un affrontement entre deux ados et leur père qui se finit par un couteau de cuisine dans le bide.
On a souvent l’impression devant cette nouvelle œuvre de Shusuke Kaneko qu’il n’a rien coupé des 12 épisodes de la série qu’il adapte, au risque de donner l’impression au spectateur d’être accroché dans un manège qui ne s’arrête jamais, quitte à sombrer dans le ridicule plus d’une fois.
Gold Boy joue sur deux tableaux en permanence : d’abord celui du meurtre hitchcockien, c’est-à-dire celui dont on connaît le coupable et qui permet donc de jouer sur la corde de la tension tout du long. Le meurtrier du début du film est magnifiquement interprété par Masaki Okada (les puristes le connaissent de l’excellent drama des années 2000 Hana-Kimi), c’est-à-dire que l’acteur en fait des caisses jusqu’à donner l’impression de jouer une parodie de tueur sanguinaire et capable de tout pour manipuler son monde et arriver à ses fins.
Le second tableau est celui du mystère : parmi les trois collégiens, il y en a un qui est le véritable héros du film et qui est très probablement lui aussi un psychopathe. Interprété par le jeune idol de J-Pop Jinsei Hamura, c’est lui qui est au cœur des nœuds dramatiques du récit ; on se doute que quelque chose ne tourne pas rond chez lui, la difficulté est simplement de savoir à quel point il débloque. Et c’est là tout le ludisme du visionnage, puisque le spectateur est invité à jauger les valeurs morales des personnages dans un Japon particulièrement abject, où la seule instance de justice est un vieil enquêteur au bord de la retraite qui n’est plus pris au sérieux par ses supérieurs.
Gold Boy est, très franchement, un film indéfendable. Son scénario surchargé, ses personnages trop colorés, ses retournements de situations et péripéties de plus en plus fantaisistes et morbides font de lui un ensemble totalement ridicule, mais qui dans le bon état d’esprit offre une séance de cinéma hilarante. Une fois qu’on a accepté le mauvais goût de l’ensemble, le cynisme profond que le réalisateur semble ressentir vis à vis du Japon (la noirceur ambiante n’est pas confinée à ce seul long-métrage de sa filmographie), c’est quand même – pour utiliser un terme technique – bien fendard.
Gold Boy, un film de Shusuke Kaneko. Diffusé en 2024 à l’étrange Festival.