Mission Impossible – Dead Reckoning Partie 1 : Ethan Hunt vs ChatGPT

Christopher McQuarrie et son comparse acteur/producteur/cascadeur/gourou Tom Cruise sont désormais inséparables. Après deux films Mission Impossible, un Top Gun Maverick (écrit par McQuarrie) qui a pulverisé des records, le duo a rempilé pour un dyptique des aventures de l’agent Ethan Hunt de l’IMF, qui devait peut-être mettre un point final à la franchise la plus spectaculaire et divertissante du cinéma contemporain. Aujourd’hui rien n’est moins sûr, tant Tom Cruise refuse d’assumer et d’accepter son âge, mais peu importe car nous n’en sommes pas encore là : la première partie de Dead Reckoning sort au cinéma quelques jours avant les deux autres grosses sorties populaires de l’été, le biopic nucléaire de Christopher Nolan sur Oppeinheimer et l’explosion de peinture rose de Greta Gerwig avec Barbie.

Si les films Mission Impossible ne brillent jamais réellement par la profondeur de leur scénario, un symptôme à la fois lié aux moyens de productions qui privilégient le spectacle à l’intimisme et à la nature même d’un film de ce genre (les agents n’ont pas d’autre vie que leurs missions, il n’existe rien d’autre que leurs conflits géopolitiques surréalistes), Dead Reckoning se démarque en premier lieu par un propos justement très actuel, glaçant, et pas si en surface.

L’IMF quand elle réalise qu’elle va devoir se battre avec Oppenheimer pour avoir des écrans IMAX pendant l’été

Pourtant au premier abord, on est sur du classique : l’IMF et Ethan Hunt sont chargés de retrouver une clé secrète qui a été séparée en deux parties. Puisque cette clé a une valeur inestimable (en fonction de ce qu’elle ouvre, pas en tant qu’elle-même, c’est le principe d’une clé quoi bref vous avez compris), tout un tas de gens s’affrontent pour la récupérer et permettent donc la dramaturgie et l’action dans un film qui va restreindre le spectaculaire pour se concentrer sur la tension. Un choix de la part de McQuarrie qui veut éviter de se répéter après Fallout, et ainsi renouer aux bases de la saga telles qu’elles furent posées par Brian de Palma en 1996 ? Certainement, même si un rapide passage sur Wikipedia permet de vérifier à quel point le tournage a été compliqué par le Covid. Sans parler de tout un drama assez fascinant autour de l’explosion d’un pont en Pologne, je vous y redirige si ça vous intéresse c’est particulièrement délirant et ça en dit long sur le délire mégalo et autodestructeur de la bande à Tom Cruise.

Là où Dead Reckoning se démarque donc, c’est que la clé qui sert de McGuffin est liée à un nouvel antagoniste tout à fait unique en son genre : une intelligence artificielle hors de contrôle. C’est là que le film devient haletant dans son rythme : Ethan, Benji, Luther et Ilsa sont forcés de courir après un ennemi en constante évolution, qui réécrit les péripéties en cours de route et aura toujours un temps d’avance. Par-là même on retrouve un propos métatextuel similaire à Top Gun Maverick, film hyperpop (expression de Julien Abadie) c’est-à-dire autoréférentiel. Dead Reckoning devient un commentaire sur la formule des Mission Impossible puisque ses péripéties deviennent littéralement écrites par une IA que Tom Cruise/Ethan Hunt cherche à détruire. Avec par dessus ce métatexte en commentaire sur la saga, un commentaire plus général sur la figure filmique de Cruise et de son obsession pour faire les choses « en vrai » sur un plateau ou dans un vrai décor (comme exploser un pont en Pologne, rappelez-vous), c’est-à-dire à l’ancienne : alors que la technologie dingo (les masques par exemple) est un atout majeur et un attrait pour la franchise, elle devient désormais un ennemi à fuir et dont il faudrait se passer.

Ce propos est autant une force pour le film qu’une faiblesse, ce qui fait de Dead Reckoning le film le plus inégal de la franchise depuis au moins le second volet, mais aussi le plus fascinant. Inégal car malgré sa rebellion anti-technologie numérique, le film a plus recours aux CGI que tous les précédents (très probablement à cause du Covid et d’un tournage très compliqué). Mais inégal surtout car sa réflexion sur la figure d’Ethan Hunt permet d’installer un commentaire essentiel sur sa figure héroïque et son rapport chevaleresque aux femmes, tout en étant incapable de le dépasser réellement. Si vous lisez cette critique sans avoir vu le film, ne lisez pas le paragraphe suivant pour le moment, on se revoit plus tard ! Merci d’avoir lu jusque là quand même, vous êtes des vrai.e.s. Vous pouvez si vous avez du courage faire un bond directement au paragraphe directement en dessous en évitant les spoils tel Ethan Hunt en pleine mission.

ATTENTION TOUT LE MONDE CE SONT LES SPOILERS

La fameuse IA antagoniste du film, aidée par un mystérieux connard humain ancien adversaire de Hunt (et la raison même pour son entrée dans l’IMF apparemment), met le doigt sur le fait que le héros ne peut pas s’empêcher de former des liens plus ou moins romantiques avec des jolies femmes, avant de les mettre en danger de mort. L’illustration de ce propos dans Dead Reckoning va placer Hunt dans une position où il devra voir mourir soit sa camarade Ilsa Faust, le meilleur personnage de la saga (interprétée par Rebecca Ferguson), soit la nouvelle recrue Grace (Haley Atwell), pour une séquence qui dans sa plastique, son action, sa tension, sa musique, est une des plus formidables de tous les films de la franchise. Mais qui dans le même temps prouve une certaine incapacité à dépasser la trope la plus éculée du genre ; celle qu’on appelle « la femme dans le frigo », où la mort d’un personnage féminin sert à la caractérisation du protagoniste masculin. De ce fait, la scène est à la fois brillante et rageante, tant pour l’intelligence de la prise de recul que pour les limites qu’elle s’impose à elle-même et au personnage de Tom Cruise. Et bien sûr pour le gâchis total qu’implique se débarrasser d’un personnage féminin aussi génial et qui n’aura donc eu que trois films dans la saga (car je parle bien d’Ilsa Faust), là où les comparses masculins de Hunt ne sont pas inquiétés.

FIN DES SPOILERS

Ce qu’on retiendra de ce Dead Reckoning, c’est une envie véritable de McQuarrie d’aller vers le film d’espionnage claustrophobique et paranoïaque à l’ancienne. Les personnages sont isolés dans le cadre en gros plans, comme si les alliances n’étaient plus d’actualité nulle part et si toutes les trahisons étaient encore possibles. Dans chaque grosse scène de tension ou d’action, on a au minimum trois factions différentes qui s’affrontent et se courent après pour des raisons divergentes, notamment pendant une magnifique séquence dans un aéroport au début du film.

On retiendra également la magnifique prestation de Hayley Atwell en sorte de Catwoman en début de carrière, voleuse de talent qui se retrouve une recrue potentielle de l’IMF. C’est un personnage qui n’a aucune expérience de terrain au delà de ses capacités de pickpocket de génie, et qui a la beauté des ingénu.e.s dépassé.e.s par les événements mais qui vont mettre leur cœur à l’ouvrage. Cette idée du recrutement de nouveaux venus et nouvelles venues est au cœur du film puisque la première scène de Hunt le met face à un nouveau venu dans l’IMF et semble souligner la possibilité qu’une fois l’expérience acquise, une plus jeune génération que lui pourrait enfin prendre la relève.

On ne retiendra hélas pas Pom Klementieff qui n’a que très peu d’intérêt pour l’instant, même si l’actrice a les meilleurs costumes du film, elle n’a que peu de place pour s’exprimer en dehors des scènes d’action (ce qui en fait déjà un personnage, soyons clairs, le cinéma c’est du mouvement avant tout on est d’accord, mais ça reste léger). On peut espérer que la deuxième partie viendra corriger le tir, comme ce volet enrichit plutôt bien le rôle donné à Vanessa Kirby, qui revient après son passage dans Fallout.

Et c’est là enfin qu’il paraît difficile de juger ce Dead Reckoning Partie 1. Si l’histoire parvient à être assez complète pour ne pas donner l’impression de mater un demi-film, les pistes lancées laissent songeur quant aux possibles. Réussir à finalement atterrir sur ses pieds après tout ça me paraît très honnêtement impossible… C’est donc une mission parfaite pour l’IMF.

Mission Impossible Dead Reckoning partie 1, un film de Christopher McQuarrie avec ScienTomlogie Cruise, Rebecca Ferguson ma reine, Haley Atwell ma reine, Pom Klementieff ma reine, Vanessa Kirby ma reine, et les mecs habituels avec même le retour de l’acteur qui joue Kittridge et dont j’ai pas parlé. Au cinéma le 12 juillet 2023.

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1 thought on “Mission Impossible – Dead Reckoning Partie 1 : Ethan Hunt vs ChatGPT

  1. La grande scène d’action avec le train est du réchauffé, copie exacte de Jurassic Park: The Lost World mais avec moins de tension… Cliché aussi la petite voiture en italie, sans parler que c’est une femme qui n’arrive pas à conduire, alors que Tom lui est apte.
    Les CGI utilisés dans les scènes de montagne rendent mochent et nous détachent de l’action.
    Les gadgets technologiques des missions impossible ont cruellement manqués dans ce film.
    Et tout repose sur un ennemi invisible et ominiscient, apparemment inoffensif à une déconnexion du réseau, au point de resortir les écrans cathodiques, ridicule… Luther à besoin de juste 2s pour hacker un satellite, vraiment ?
    Le train est à vitesse max pendant super longtemps tout en faisant des virages nombreux, alors qu’il y’avait un virage bientôt ?
    Et bien évidemment on court après une clé sans s’avoir à quoi elle sert.
    Tout ca laisse sous-entendre qu’une ia s’amuse bien, et Tom aussi pour faire du base jump en moto, ou des cascades à 2 pas du colisée de Rome.
    Esai Morales interprète habilement Gabriel, le villain sociopathe aux ordres de l’IA, bien que son ultimatum envers les 2 femmes n’ai que peu de sens.
    J’ai cependant bien aimé le scénario linéaire et compréhensible, comparé à d’autres missions impossible, plus étriqués dans mes souvenirs.
    Les petites blagues sur mesure pour Simon Pegg passent toujours bien.
    Au rythme global assez lent, ce film n’est pas mauvais, mais il ne restera pas dans les mémoires.
    Dans la seconde partie, Hunt va t’il se sacrifier pour son équipe et copier ainsi le dernier James Bond ?

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