[Annecy 2023] Journal de Bord Day 2 : Le Mexique à travers le temps, des adolescents québécois et des texans

Après une nuit semi-agitée (le volet et la fenêtre de ma chambre sont cassés, donc on entend tout les festivaliers dehors qui font la fiesta) et semi-reposante (j’étais assez épuisé pour faire abstraction de tout), on retourne à Bonlieu pour une grosse journée de projections. Tandis que je me rends à une nouvelle sélection de courts-métrages mexicain, le camarade Gabin et la camarade Océane vont faire la queue pour réussir à voir le programme spécial Spider-Verse. Souhaitons-leur bonne chance, leur succès ou échec sera détaillé dans ces lignes…

UPDATE : c’est un échec cuisant. 300 personnes faisaient la queue dont certains depuis 6 heures du matin pour une salle de 250 personnes, avec en plus deux files qui se sont créés indépendamment dans deux zones séparées. Une pensée pour les employés du festival qui donnent tout pour gérer ce genre de situation rocambolesque, tous les ans on admire leur sens du dévouement tout en les plaignant un peu (beaucoup).

Archéologie mexicaine (Hommage à l’animation mexicaine)

Gabin et Océane quand ils ont compris que c’était mort pour Spider-Man ce matin

Nouvelle séance dans la petite salle de Bonlieu avec encore une fois une programmation autour du Mexique, pays à l’honneur cette année. Mais point de nouvelles voix de l’animation à l’honneur dans cette sélection puisqu’on s’intéresse aux pionniers. C’est dans une ambiance studieuse et calme (j’ai crié « lapin » tout seul pendant le court-métrage de La Cachette en introduction comme le veut l’usage, on m’a regardé comme un fou) que nous avons découvert des travaux particulièrement intéressant couvrant la période qu’on appelle l’âge d’or du cinéma mexicain (de 1935 à 1985 en gros, même si tous ne sont pas d’accord sur la date de fin).

Le constat que l’on peut faire est à la fois celui d’une richesse formelle époustouflante, et celui d’un ancrage politique très marqué dès les premiers films. Il faut d’ailleurs noter que le développement du cinéma au Mexique a largement été motivé par une visite de Sergei Eistenstein, et l’influence du parti communiste se fait vite sentir. Pourtant le premier court-métrage parlant du pays, Pablo Perico,sorti en 1935, s’inspire beaucoup des premiers films de Walt Disney à la fois dans l’esthétique et l’inventivité très cartoon.

C’est sur le reste de la sélection qu’on découvre des films plus engagés politiquement. Y si eres mujer de Guadalupe Sanchez Sosa par exemple est le premier court d’animation réalisé par une femme au Mexique, et interroge avec un mélange de didactisme et de colère le conditionnement de genre qui limite les possibles d’existence des femmes. Mais le film le plus surprenant de la sélection est certainement Crónicas del Caribe de Paco Lopez et Emilio Watanabe, qui propose un portrait ambitieux et sans concession de l’invasion de l’Amérique par la bande à Christophe Colomb. Quand le court-métrage tend vers l’abstrait pour représenter la violence de l’église et celle des colons, on touche à du cinéma de qualité. De manière générale cette sélection est largement axée sur des productions didactiques, qui visent à dénoncer ou célébrer avec même des discours propagandistes passant par l’animation… Donc un tout plutôt intéressant.

Long métrage en compétition Contrechamps : Inspector Sun and the Curse of the Black Widow

Avant la prochaine projection, direction le forum de Bonlieu pour tenter d’obtenir une dédicace de Benoit Chieux. Qui disparaît sous nos yeux, alors que sur le programme l’heure de la dédicace est décalée à 14h… Et dans deux jours. Les aléas du direct!

Direction la pelouse du lac pour pique-niquer avec l’amie Rutile, scénariste de bande dessinée qui a eu la bonne idée de venir au festival uniquement pour bronzer et passer du bon temps. On devrait s’inspirer de Rutile plus souvent… Nous sommes rejoints par Diane Truc, dessinatrice du webtoon Colossale (avec Rutile) et des membres des Dumariolles, des artistes fans d’Alexandre Dumas ainsi que par le célèbre journaliste Jérôme Lachasse. Un joli moment pour partager les derniers potins sur le monde de la BD française…

On croirait que je gagne du temps pour éviter de parler du film réalisé par Julio Soto, et c’est absolument vrai. Inspector Sun and the Curse of the Black Widow est un pastiche/une parodie de film noir dans le monde des araignées de Shanghai sur lequel il serait difficile de raconter grand chose tant il est médiocre. Le Détective Sun est un solitaire qui ne réussit son coup que grâce à sa chance incroyable, et qui ne doit son statut qu’à un népotisme exposé en début de film. Le voilà sur une affaire impliquant une Veuve noire avec une jeune inspectrice qui l’adore dans les pattes, et bref je m’ennuie déjà à raconter le truc. Loin de moi l’envie de critiquer le film pour ses maladresses visuelles car je sais que c’est une production indépendante, mais c’est côté scénario que cela ne tient pas la route.

Si l’on veut faire un film noir, il ne suffit pas de balancer une enquête complexe avec retournements de situations et manigances secrètes avec une simili femme fatale dans le tas. Ce qui fait le sel de ce genre d’histoire, c’est une atmosphère, une réflexion sur la morale des personnages, de la violence, et un héros charismatique. Ou au moins fascinant.

Il manque à peu près tout ça dans le film, qui pêche à force d’hésiter entre le pastiche et la parodie, mais sans être assez amoureux du genre ou assez drôle pour se le permettre. Le plus gros défaut étant le héros Sun qui dans l’idéal devrait être assez ridicule pour être drôle et assez flamboyant pour inspirer malgré sa bêtise… Mais on est loin de l’idéal ici.

Long métrage en compétition – Contrechamp 12 : Adam change lentement

Pas le temps d’niaiser comme disent nos amis québécois, on enchaîne tout de suite au même endroit une nouvelle projection qu’on espère bien meilleure. D’un film québécois, ce qui explique pourquoi j’ai dit « pas le temps d’niaiser » une phrase plus tôt, c’était pour vous mettre dans le bain.

La présence d’Isabelle Vanini lors de la séance, dont le pedigree est plutôt balaise (sélectionneuse longs-métrages à Annecy, membre du comité Animation des César, etc.), me rassure très rapidement quant à la qualité du film à venir : elle a souvent bon goût. C’est elle qui présente Adam change lentement en compagnie de son réalisateur Joël Vaudreuil, qui explique avoir réalisé trois rêves en même temps grâce à ce premier long-métrage (il a réalisé de nombreux formats courts). Le premier, c’est de réaliser un film qu’il aurait rêvé de voir en tant que spectateur, avec un humour pince sans rire et un rythme lent et déroutant. Le deuxième… Je l’ai oublié le deuxième mais ne m’en veuillez pas il est tard et j’ai encore failli ne pas réussir à rentrer dans l’appartement où je dors donc épargnez-moi ça. Le troisième rêve, c’était travailler sur une longue période avec des artistes qu’il considère comme des amis et des idoles, et ça si c’est pas encore une magnifique preuve de ce que je disais dans l’article d’hier sur l’importance du collaboratif dans l’animation.

Adam change lentement est un beau film très drôle qui commence par le décès d’une grand-mère. Sur son lit de mort, elle se redresse d’un coup et annonce à son petit fils Adam devant toute la famille, « j’ai toujours trouvé que tu avais un long tronc ». Puis elle crève. Ambiance.

On comprend ensuite par une suite de flashback que cette grand-mère a toujours aimé critiquer Adam, et que ce dernier a si peu confiance en lui qu’à chaque remarque qu’on fait sur son corps, ce dernier se transforme pour correspondre aux critiques. Son torse s’allonge, ses yeux s’écartent, il grossit… Etc. Une magnifique idée de mise en scène très bien utilisée tout au long du film jusqu’à sa résolution très habile.

Dans son récit, Adam change lentement frôle pourtant parfois l’incel attitude, mais heureusement jamais franchir la ligne. Au contraire il arrive à faire le portrait d’un adolescent mal dans sa peau qui rêve de sortir avec une fille qui le méprise et qu’il refuse même de voir comme la personne qu’elle est (c’est-à-dire au delà d’un corps et d’une personnalité qu’il fantasme totalement) sans jamais rater le coche. Ce n’est peut-être pas le film le plus original du moment, en dehors de son idée de mise en scène corporelle et d’un délire de sacs à caca de chien plutôt marrant, mais c’est sincère, honnête et juste.

Midnight Specials : The Weird Kidz

Après un super burger végétarien dégusté en compagnie des hôtes qui m’hébergent au festival, direction le Pathé cinéma pour un long-métrage de la sélection Midnight Specials. Comme souvent sur ce genre de séances, la salle n’est pas très remplie, mais l’ambiance est étrangement agréable ; comme si on décidait tous ensemble qu’on allait passer un bon moment.

Le texan Zach Passero était là (et très ému) pour présenter The Weird Kidz avec sa femme Hannah Passero, un long-métrage fait littéralement en famille puisque Zach est à l’animation, Hannah aux décors, et leurs deux jeunes enfants ainsi qu’eux-mêmes font des voix dans le film.

The Weird Kidz est donc un film totalement indépendant produit à El Paso et qu’on pourrait qualifier de croisement entre Clerks de Kevin Smith et Stand by Me/Stranger Things. On y suit des collégiens fans de jeux d’arcade qui partent faire du camping avec le grand-frère de l’un d’eux, et sa copine. Leur périple est interrompu par une attaque d’insecte géant qui veut les bouffer, et je n’en dirai pas trop au cas où le film soit disponible un jour en France mais sachez que le reste inclut : un bras squelette utilisé comme arme, un flic détestable qui crève comme la merde qu’il est (on vit la acab life ici), une bourgade communauté sectaire cheloue, et un threesome avec un chien.

Si parmi les trois collégiens, deux d’entre eux sont relativement stéréotypés (ils sont totalement horny pour la copine du mec plus âgé, chose évidemment ultra réaliste), les autres personnages sont au contrairement surprenant de richesse et d’intelligence. Le petit frère est une sorte d’illuminé solitaire qui même face au surnaturel le plus terrifiant refuse de faire du mal à une mouche. Le grand-frère réussit à être à la fois un couard immature et pathétique et un héros au courage inébranlable. Quant à la seule fille de la bande, si elle est largement vue à travers le regard des collégiens qui la fantasment, elle est surtout un beau personnage d’une grande maturité. Et si le récit est plutôt classique, ce sont justement les réactions des personnages qui surprennent au fur et à mesure des scènes. On évite la facilité.

The Weird Kidz est loin d’être un film parfait et souffre de son manque de moyens, mais chaque image transpire l’amour pour l’histoire qui est raconté. Impossible de ne pas apprécier un film qui a autant de coeur, et voilà une bien belle manière de terminer cette deuxième journée au festival d’Annecy 2023.

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