Vous savez à Cinématraque on n’aime pas trop la politique et on préfère les films qui ne s’en mêlent pas comme Matrix ou Star Wars ou Starship Troopers. Mais bon, Festival de Cannes oblige, nous sommes allés voir le dernier documentaire de Patricio Guzman : Mi pais imaginario, présenté en séance spéciale. Après avoir exploré l’histoire du Chili à travers différents angles dans tous ses films, Guzman se penche aujourd’hui sur son présent en s’interrogeant sur la lutte sociale qui a soulevé le pays en 2019.
Petits éléments de contexte que rappelle le film : en 2019, une décision du gouvernement provoque la colère du peuple qui s’exprime dans la rue. Ce qui était d’abord vu comme la révolte d’excités se transforme en un fabuleux mouvement collectif face auquel le gouvernement désemparé ne peut réagir que par la violence policière. Les manifestants se radicalisent alors et apprennent à lutter contre une police prête à les mutiler (de nombreux militants perdent ainsi un œil dans les conflits, ce qui devient un des symboles de la contestation). D’une simple colère sociale, le mouvement devient le cri des opprimés qui réclament notamment une nouvelle Constitution pour être enfin représentés. Vous l’aurez compris, on est vraiment sur un truc très chilien qui peut difficilement être comparé à la situation en France.
A croire que tout le monde déteste la police…
Le regard de Guzman sur cette révolution est particulièrement intéressant. Dès le début du film, il annonce que cette révolte n’est pas la sienne. Lui, il a connu Allende qu’il a filmé et qui est omniprésent dans son œuvre. A 80 ans, ce n’est plus à sa génération de se battre. Mi pais imaginario prend alors la forme d’un passage de flambeau. Guzman parle finalement assez peu et laisse la parole à des militantes, des historiennes, des politologues, des artistes. Et, c’est très important de le souligner, uniquement à des femmes. C’est un vibrant hommage à la nouvelle génération de révolté.e.s que rend Guzman et il a bien compris qu’aux combats sociaux se sont greffées de nombreuses autres luttes pour la défense de l’ensemble des opprimé.e.s. La convergence des luttes est ici une évidence et le combat contre le patriarcat est aussi un combat pour la reconnaissance des Mapuches.
Je ne sais pas si Mi pais imaginario est un bon documentaire. Guzman ne fait pas semblant de se cacher derrière une prétendue impartialité. Il célèbre au contraire la lutte sociale et il se prend à rêver que les nouvelles générations réalisent enfin ce que la sienne a perdu lors du coup d’État de Pinochet. Le film, par son mélange de témoignages et d’images fortes, fera vibrer le cœur de celles et ceux qui ont déjà vécu des manifestations (de gauche) ou tout simplement de celles et ceux qui espèrent voir advenir une nouvelle organisation de notre société et de notre économie brisant les rapports de domination. Les macronistes, eux, risquent de s’ennuyer un peu.
Mi Pais imaginario, un documentaire de Patricio Guzman