Détective Conan, la fiancée de Shibuya : géopolitique animée

Difficile de ne pas commencer par quelques chiffres. 28 années, plus d’une centaines de tomes, dix fois ça en épisodes de série animée et vingt cinq films : Détective Conan est une institution. Les seuls à connaître autant de péripéties que le jeune garçon aux lunettes sont les membres de l’entourage de Macron à être pris dans des affaires judiciaires, et encore…

On pourrait croire qu’il serait difficile de plonger dans une œuvre aussi dense, aussi folle et aussi spécifiquement japonaise (on y reviendra), mais que nenni. Pour comprendre Détective Conan, pas besoin d’être à la page et de partir dans un délire complétiste (moins grave qu’un délire complotiste) : déjà, la base est assez ancrée dans la pop culture, mais en plus ce nouveau et vingt-cinquième volet au cinéma rappelle les bases pour que tout le monde puisse prendre le train en route (mais attention, le film sur le shinkansen c’était l’an dernier ! Et oui les blagues fusent dans les parenthèses). Détective Conan, c’est donc l’identité secrète d’un jeune homme qui a été empoisonné et transformé en petit garçon. Sous cette nouvelle apparence contraignante, il continue d’œuvrer dans l’ombre de – et parfois avec – la police pour capturer les méchants.

Surtout que les personnages principaux de ce film, intitulé la Fiancée de Shibuya, ne sont pas Conan et ses amis : Comme dans d’autres séries criminelles à la mécanique bien huilé qu’on pourrait qualifier de semi-feuilletonnant, le détective sert majoritairement à nous faire découvrir d’autres personnages. Cette fois, l’affaire tourne autour d’un mariage de l’ancien chef de la police, et d’une sombre histoire d’attentats commis par un mystérieux poseur de bombes… Une trame facilement suivable par tout un chacun, dont les nombreux rebondissements plus ou moins absurdes (attention à un moment vous allez voir la Russie débarquer dans l’histoire, on est vraiment bien dans l’ère du temps) seront élucidés par le petit garçon à lunettes. Et oui, normalement ça ne se dit pas élucider un rebondissement mais c’est lundi, c’est permis.

Bien sûr, si on creuse davantage dans le folklore de l’univers (Conan traîne chez sa crush/petite amie de quand il avait 17 ans qui ne sait pas qui il est ?!), on commence à comprendre (il fait partie d’un club d’enquêteurs de gosses de huit ans qui sont plus balaises que la police japonaise ?!) que le détail est totalement déglingos (un scientifique nommé Professeur Agasa lui a fabriqué une ceinture qui lance des ballons de foot sur ses ennemis ??!), mais ça n’est pas bien grave. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que le status quo change peu chez Conan, ce qui en fait à la fois une force et une faiblesse. Puisqu’on peut rejoindre l’aventure à tout moment sans trop risquer d’être perdu, mais ce qui veut aussi dire qu’une possible trame plus générale autour de Conan (va-t-il un jour retrouver son apparence normale ?) n’est jamais réellement à portée de mains.

Le film se passe durant la fête de Halloween, ce qui aide les plans des méchants qui voudraient dissimuler leurs visages…

Il faut donc prendre ce film comme ce qu’il est : un divertissement de qualité, à l’animation léchée, au style graphique fidèle au dessin, et qui tente de parler aux petits comme aux plus grands. Qui ne se gêne pas quand il s’agit d’aller vers l’humour et le grotesque, n’hésitant jamais à ridiculiser la police japonaise qui est à la fois caractérisé par une bonté intrinsèque, et une maladresse alarmante. Qui ne se gêne pas non plus pour aller vers des trames très sombres, puisqu’on parle je vous le rappelle d’attentats à la bombe ! Le film va même plus loin que cela dès qu’il s’agit d’impliquer les Russes dans l’affaire, et se révèle particulièrement poignant ; c’est en cela qu’on est vraiment au cœur des contradictions de ce qui peut faire la culture populaire du Japon. C’est du cinéma qui fait le grand écart aisément, et le fait que cela soit de plus en plus toléré, voire apprécié par un public occidental (nous) prouve bien qu’après tant de décennies à être réceptif à leur art, nos horizons se sont bien élargis.

Détective Conan, la fiancée de Shibuya, le 25ème film de Conan. Une sortie Eurozoom au cinéma le 18 mai 2022

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4 thoughts on “Détective Conan, la fiancée de Shibuya : géopolitique animée

  1. C’est la boucle de ceinture qui envoie des ballons de foot. La montre est chargée d’une fléchette hypodermique.
    S’il n’est pas nécessaire d’être un afficionado de la série, un tel article est mieux sans ce type de coquille… Et il faut avouer que les gadgets inventés par le Pr. Agasa ne dénotent généralement pas de ceux de Q dans James Bond…

    1. J’ai bien aimé aussi « Conan vit chez son ex copine qui ne sait pas qui il est »..
      Depuis quand c’est son ex ? Et depuis quand c’est chez elle ? Il vit chez le père de sa meilleure amie et il se trouve qu’il est également détective… faudrait éviter les raccourcis car à force de dire qu’il n’y a « pas besoin de connaître la licence pour apprécier le film », les gens vont croire n’importe quoi.

      1. Alors techniquement, je pense avoir le droit de dire que c’est son ex au vu de la relation à… « distance » qui s’installe entre eux ! Et j’étais persuadé qu’il habitait chez elle. On corrigera aussi.

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