Pig : de l’art et du cochon

Nicolas Cage qui sort de la forêt où il vivait reclus depuis plus d’une dizaine d’années pour retrouver sa truie truffière, tel est le synopsis de Pig, l’une de nos plus grandes attentes de la sélection deauvillaise de l’année. Avec une idée pareille, on aurait pu s’attendre à un ersatz de John Wick, où l’acteur retrouverait sa vigueur et son sens de l’action de l’ère Volte/Face. Spoiler alert : ce n’est pas ça du tout. Pour son premier long métrage, Michael Sarnoski se plonge dans une quête bien plus intimiste. Celle d’un homme qui revient à la civilisation pour affronter son passé, ses regrets et un monde qui a continué à évoluer sans lui.

Les premières minutes de Pig sont très énigmatiques. Jusqu’à l’arrivée d’un Alex Wolff dans une Camaro jaune éclatant, on aurait presque pu croire qu’il s’agissait d’un film historique. Le fait que l’intrigue se déroule à Portland, dans l’état de l’Oregon, rappelle aussi First Cow de Kelly Reichardt, sélectionné en compétition au Festival de Deauville l’an dernier. Quand on demande à Sarnoski s’il pense que Deauville a quelque chose pour les animaux, celui-ci pointe du doigt le fait que les deux films, tournés à quelques semaines d’écart, ont quasiment les mêmes équipes techniques ! Nic Cage et son cochon, c’est un peu la même chose que John Magaro et sa vachette. Mais c’est bien dans notre monde actuel que se déroule cette intrigue, qui n’aura de cesse de déjouer les attentes de son spectateur. Si l’on pensait voir un film d’action, c’est aussi parce que la scène de l’enlèvement du cochon est elle-même très violente : quand Rob (Nicolas Cage) chute après avoir pris un coup, la caméra accompagne son mouvement et se retrouve tout aussi brutalement au sol.

Déjà vieilli par ses années d’exil, la chevelure et la barbe allongées, Rob est marqué par ses blessures, le visage tuméfié et ses vêtements ensanglantés. Une tenue et une allure qu’il n’aura aucune envie de quitter tant qu’il n’aura pas mené à bien son objectif. Plus le film avance et plus le monde extérieur se montrera indifférent à son apparat : personne ne s’intéresse à l’homme brisé qui erre quelque part par là. Il traîne pourtant avec Amir (Alex Wolff), l’un de ses acheteurs de truffe dont l’aisance se voit comme le nez au milieu du visage. Deux hommes que tout oppose – en apparence, mais dont personne ne dira jamais rien… jusqu’à ce qu’on daigne enfin s’intéresser à qui est véritablement Rob. S’il est parti vivre au fin fond d’une forêt, on se doute que ce n’est évidemment pas pour rien.

L’aspect énigmatique du film continue tout au long de ses trois parties, chacune titrées après le nom d’un plat typique de l’Oregon. Rob et Amir s’y dévoilent un peu plus l’un à l’autre, tandis que la quête du cochon part un peu dans tous les sens. Chaque étape donne lieu à une rupture de ton, le film virant tantôt dans le film noir, tantôt dans des moments plus comiques ou plus dramatiques. Au fur et à mesure de ses rencontres, la véritable identité de Rob – ancien chef cuisinier de renom – se dévoile et le poids des années se fait sentir. Quand il retrouve un ancien commis devenu chef (l’une des meilleures scènes du film), Rob le massacre entre quatre yeux, rien qu’avec sa verve. La caméra zoome sur chacun des deux hommes, les bruits alentours s’étouffent, il ne reste que les phrases de Cage à propos de la cuisine, du fait qu’elle se pratique avec passion, et à quel point ce qu’il découvre dans ce restaurant n’est… pas de la cuisine. Gordon Ramsey et Philippe Etchebest feraient dans leur culotte.

Le retour de Rob à la ville est presque celui d’un héros disparu, que tout le monde croyait mort – à chaque retrouvailles, Pig prend presque une dimension mystique et méta-narrative : Michael Sarnoski nous avoue en interview que son distributeur américain, Neon, s’est beaucoup battu pour conserver une sortie en salles pour le film. Un mouvement suivi en France par Metropolitan FilmExport, qui le sortira le 27 octobre. C’est donc le grand retour au cinéma de Nicolas Cage en France, après des années de films relégués à du direct-to-video. Raison de plus de se déplacer en salle !

Pig, de Michael Sarnoski. Avec Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin. En salles le 27 octobre 2021. Présenté en Compétition lors de la 47e édition du Festival du cinéma américaine de Deauville.

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