Destination Finale 5 : « Hé Manu, tu vas te faire descendre ! » « Bah pourquoi ? » « C’est ton destin ! »

Dix ans déjà depuis le dernier volet d’une saga du cinéma d’horreur qui a marqué une génération. C’est en retombant sur Final Destination 5 à la télévision que nous avons eu envie de revenir en quelques mots sur une franchise unique en son genre. Musique à la harpe indiquant un retour dans le passé…

Nous sommes en l’an 2000. Le bug informatique n’a pas eu lieu, le visage de Le Pen n’est pas encore apparu sur nos écrans de télévision, ni les images du World Trade Center. La société New Line n’est pas encore très connue mais sort régulièrement des petits cartons surprises, en attendant celui invraisemblable du Seigneur des Anneaux. En 2000, c’est cette société qui sort au cinéma Destination Finale, l’histoire d’une bande d’adolescents américains qui, grâce à une vision, échappent à une catastrophe en descendant d’avion. Seulement depuis, la Mort les poursuit pour récupérer celles et ceux qui lui ont échappé…

C’était au départ, pour le scénariste Jeffrey Reddick, un texte écrit comme un épisode de X-Files afin de convaincre un agent de le prendre. Mais lorsqu’un ami de Reddick, qui bosse chez New Line, voit le scénario, il lui conseille de le développer en projet de long-métrage. Le résultat ? Un film budgété à 23 millions qui en rapporte cinq fois cela, puis quatre suites, des romans et une série de comics. Un carton, mais surtout un carton populaire ; c’est bien tout l’intérêt des films d’horreur d’ailleurs. Faites l’expérience, encore aujourd’hui : postez-vous devant un cinéma et regardez les groupes d’ados qui s’y rendent. On les voit encore se décider sur une affiche, parce que les films d’horreur dans une grande salle obscure, ça ne sera jamais démodé. Que ce soit pour les frissons, l’envie de se montrer courageux face aux autres ou tout simplement pour se blottir les uns contre les autres et pécho, toutes les raisons sont bonnes.

Comment expliquer un tel succès pour la saga ? C’est tout d’abord grâce à son concept innovant et unique en son genre : les jeunes victimes dans chaque volet ne sont pas poursuivies par un tueur à forme humaine, comme dans un slasher, ni par un monstre surnaturel tangible ; ce qui est à leur trousse est purement invisible et ne s’exprime que par le langage cinématographique. C’est le destin qui s’en prend à eux, et ce dernier va prendre toutes les formes possibles pour arriver à ses fins : une vis qui saute, un court-circuit qui déclenche un incendie, une étagère branlante… Le danger vient de partout, et des choses les plus banales.

ça aussi, c’est du cinéma de patrimoine. Prends ça, Revus et Corrigés !

Prenons l’exemple de ce cinquième volet, sorti en 2011 et revu par hasard à la télévision, réalisé par Steven Quale (plus connu comme réalisateur de deuxième équipe pour James Cameron) et écrit par Eric Heisserer (auteur de nombreux films d’horreur de la période dont les remakes de Freddie et de The Thing, mais aussi et surtout de Arrival de Denis Villeneuve et de la série Shadow and Bone). Sam Lawton est dans un bus avec ses collègues de travail, en route pour un séminaire. Il a alors une vision qui lui montre le pont s’effondrer, tuant tout le monde dans un déluge de gore absolument ridicule et jouissif. Comme dans tout bon film d’horreur, le spectateur retire alors un plaisir scopophile face au funeste sort qui est réservé aux personnages. Autrement dit : comment vont-ils mourir, sous nos yeux extatiques ?

La séquence sur le pont est particulièrement efficace pour donner tout le ton du film. La mise en scène nous fait bien comprendre l’ampleur de la catastrophe, donc le dramatique. Les morts qui s’enchaînent, plus gores les unes que les autres, sont là pour nous choquer. Mais surtout, la manière dont elles sont filmées prouve que le film veut être ludique. Créer de l’amusement. En profitant des effets numériques et de la profondeur de champ (le film était sorti en 3D à l’époque, on était encore dans la mode post-Avatar), la caméra virtuose va sauter d’un élément à un autre en cherchant toujours le meilleur moyen de nous surprendre.

Plus tard dans le film lors d’une session de gymnastique en salle ; les gros plans s’enchaînent comme des indices. une vis mal placée sur une poutre, un ventilateur, du talc ? Le film force le spectateur à être actif et à jouer à deviner comment la situation va dégénérer. Le processus de cause à effet, qui s’inspire du principe de la machine de Rube Goldberg avec des réactions en chaîne improbables, est en soi un élément constitutif de la fiction, et de la manière dont nous concevons le monde. Nous lions des événements. Destination Finale le fait avec un fatalisme remarquable, puisque échapper à la mort veut forcément dire, dans sa diégèse, être rattrapé par celle-ci.

Il y a quelque chose d’éminemment malsain dans le principe même de montrer des personnages poursuivis sans relâche par la mort, et même sans raisons morales apparentes. C’est ce qui faisait le sel du tout premier volet, qui assumait une esthétique et une atmosphère résolument émo, ce qui était d’ailleurs très à la mode. Quand on est adolescent, tout peut devenir la fin du monde et les adultes sont incapables de le comprendre ; c’est précisément ce que réussit à intégrer la saga dans son approche, et qui en fait une œuvre si efficace sur un jeune public.

Sans nier le fait que les films prennent une saveur nouvelle à la redécouverte. On se surprend à penser très souvent aux risques des accidents d’électro-ménager, ainsi qu’à l’argent de nos impôts. Bah oui, est-ce que ce pont se serait effondré si nos gouvernements prenaient soin de nos infrastructures, hein ? Plutôt que de dépenser de la thune dans de la com pour que le ministre des transports poste des Tik Tok dans des avions électriques avec en légende « rep à sa Greenpeace ». Aaah, la belle vie que l’on mène.

La saga des Destination Finale est évidemment inégale, comme toutes les sagas horrifiques. Les personnages masculins sont souvent crétins, les persos féminins sont rarement bien écrits et souvent dénudés, mais rien de bien surprenant encore une fois au sein du genre, et de l’époque. Le cinquième volet est certainement l’un des deux meilleurs avec le troisième, car il trouve un équilibre certain entre le ludique farceur et le sérieux tragique. Il serait amusant d’imaginer à quoi pourrait ressembler la saga aujourd’hui, dix ans plus tard… Et comme un film est officiellement en développement, peut-être que nous n’aurons pas trop à l’imaginer.

Destination Finale 5, un film de Steven Quale, écrit par Eric Heisserer. Une saga créée par Jeffrey Reddick.

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