Hellboy : Bouse des Enfers

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Tout a commencé sur Twitter. Il y a quelques années, le meilleur des deux Del Toro du cinéma (yakoi) avait annoncé que si les fans arrivaient à montrer assez d’enthousiasme, il serait en mesure d’organiser une réunion afin de discuter d’un potentiel Hellboy 3. Nous, les fans, étions bien évidemment au rendez-vous, pour que cet autre rendez-vous ait lieu. Et ça a marché ! Del Toro et son acteur Ron Perlman, l’auteur du comics Mike Mignola ainsi que des producteurs, exécutifs et ayants droits se sont réunis. Et dans le meilleur des mondes, les différents partis sont ressortis de la salle avec un accord pour un futur beau film ; un Hellboy 3.

Seulement voilà. Nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes. Trump et Bolsonaro sont présidents, les milliardaires se construisent des forteresses pour survivre aux catastrophes climatiques tout en laissant leurs multinationales détruire le globe, et Robert Redford a été forcé d’assister aux César du cinéma français. Dans notre monde donc, la réunion n’a pas été un franc succès. Exit, le Hellboy 3. Exit, le cinéaste inventif et plein de coeur. A la place, on reboote tout pour tenter de faire un nouveau film plus violent, plus gore, plus proche du comics. Le mot-clé de cette phrase ? « Tenter ».

Car après tout, pourquoi pas ? Sur le papier, ça n’est pas du tout inintéressant ; les films de Guillermo Del Toro sont une hybridation logique entre son univers déjà riche et celui de Hellboy. Moins sombre mais plus tragique, plus touchant et drôle qu’horrifique, on était déjà loin de la création de Mike Mignola. Proposer une version plus chargée en mythologie, en horreur, du sang neuf à tous les niveaux, c’est pas con. Pour cela, Lionsgate a engagé Neil Marshall, connu par quelques fans de films d’horreur pour The Descent et quelques fans de GoT pour des épisodes de batailles. Malheureusement pour lui, et pour les fans, Marshall n’a jamais eu la chance d’être véritablement à la tête du projet. C’est là le premier véritable problème de ce reboot : une production chaotique.

Hellboy 3 fans
C’est pas Hellboy ça, c’est un gritty reboot de La Vache qui Rit.

En vrac, quelques infos croustillantes : les producteurs (notamment Lawrence Gordon et Lloyd Levin, voir l’article de Comicsblog sur le sujet) ont voulu faire comprendre au réal qu’il n’était là que pour dire « action » et rester gentiment dans son coin. Pour cela ils ont viré son chef op habituel Sam McCurdy, puis lui ont retiré le film dès la fin du tournage. Ce dernier n’a pas non plus été de tout repos puisque de nombreux conflits ont éclaté sur le set entre notamment le nouveau Hellboy, David Harbour, et le réalisateur. A nouveau on vous recommande l’article de Comicsblog, ça ne fera de mal à personne.

Comment peut-on faire un bon film dans une situation pareille ? Si sur un gros projet collectif tel que celui-ci, personne n’arrive à se mettre d’accord, entre le réalisateur, les acteurs, les seize producteurs, et tous les autres techniciens et artistes sur le projet, que se passe-t-il ? Il se passe un naufrage. Un échec monumental, une bouse intersidérale, un raté incommensurable. Hellboy est une des pires adaptations de comics de tout les temps ; c’est mauvais, c’est laid, c’est puant, stupide, incohérent, macho. C’est de la merde. Au moment où j’écris ces mots, le film est en dessous des 15 % de critiques positives sur Rotten Tomatoes, ce qui quasiment MOITIE MOINS que Suicide Squad

Et pourtant, le chaos total qu’a été la production n’explique pas tout, et n’excuse encore moins le produit fini que nous découvrons sur nos écrans. Que la seule personne qui joue bien dans un film où il y a David Harbour et Ian McShane soit Mila Jojovich, admettons. Que le maquillage de Hellboy soit si rigide qu’à chaque réplique on dirait que David Harbour se plaint de ne pas pouvoir utiliser les muscles de son faciès pour jouer correctement, on va dire ça arrive. C’est regrettable, mais ça arrive. Mais c’est le principe même du film qui ne fonctionne pas.

En voulant se rapprocher du comics, ils (et je dis « ils » car sur les seize producteurs, il n’y a qu’une seule femme et elle est executive donc avec peu de poids décisionnel) ont voulu rendre le tout plus sombre, plus bourrin, plus sanglant. Avec le R-Rating, qui interdit le film aux US aux moins de 17 ans sans accompagnateur adulte, la prod s’autorise du sang (numérique, et moche) à l’écran, et un nombre incalculable de jurons mal venus. Seulement… Ce n’est pas ça, le comics de Hellboy. C’est une œuvre poétique et tragique, souvent violente mais toujours drôle, qui n’a pas peur d’être grandiose et ridicule à la fois.

Hellboy 3 fans
Avouez que ça a nettement plus de gueule.

A la place, on a droit à un film qui semble avoir été écrit par un ado de 15 ans qui s’identifie à Rick dans Rick and Morty, persuadé que foutre de l’hémoglobine et des fuck partout élève son cinéma. Mais non. On a l’impression de regarder une version premier degré des cinématiques de Guitar Hero 3. Le comics de Hellboy, ça n’est pas ça puisque le comics Hellboy est intéressant ; et que ce film ne l’est pas.

Ce qui nous amène à une question cruciale : au fond, pourquoi vouloir transposer Hellboy ? Car l’idée de départ n’était pas d’adapter, ce que Del Toro avait fait, mais de transposer. Autrement dit déplacer une œuvre sans réfléchir à la nature de son medium. N’y-a-t-il pas un problème central, qui n’est pas assez évoqué, dans le cas du passage du dessin au film ? C’est que l’œuvre dessinée ne procure pas la même émotion. Ni les mêmes sensations que la même histoire en prises de vues réelles, puisque ce n’est pas le même medium. Le dessin permet une distance vis à vis du sujet et facilite la dimension poétique de l’œuvre. Essayez d’imaginer une belle scène de Miyazaki avoir la même portée si elle n’était pas dessinée…

A mon sens, il y a donc deux possibilités d’adaptations pour les comics ; la première, c’est d’aller vers le générique. C’est ce que Marvel a fait avec son MCU, et c’est ça qui lui permet de cartonner. En lissant tout. En arrondissant les angles. En uniformisant pour plaire au plus grand nombre. La deuxième, c’est de prendre des risques. C’est-à-dire de s’approprier l’œuvre pour en faire quelque chose de plus personnel. C’est ce qu’a fait Sam Raimi avec Spider-Man, et bien sûr c’est ce qu’avait fait Guillermo Del Toro avec Hellboy.

Dans un film à la production aussi calamiteuse, il ne peut y avoir ni uniformisation, ni véritable prise de risque. Cet entre deux, ce sont les limbes du cinéma, là où s’écrasent les œuvres qui se sont perdues en cours de route… Que ce Hellboy y reste à jamais.

Hellboy, de Neil Marshall et écrit par Andrew Cosby, avec David Harbour et Ian McShane, sortie le 8 mai 2019.

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3 thoughts on “Hellboy : Bouse des Enfers

  1. Pour les Spiderman de Raimi, ce n’est pas si personnel que cela, Sony n’a pas arrêté de lui imposé diverses choses, le costume de Green Goblin peut ont faire plus moche et ridicule ?

    On voit sur le Web un masque prototype du Green Goblin refusé, surement trop proche du comics pour le studio .

    Ils ont pensé relooker le costume de Spidey, c’est dire …

    Dans Spiderman 3 ils lui ont imposé Venom, Raimi n’en voulait pas ça a donné un film malade .

    Devant les pressions du Studio il a préféré partir et ne pas s’investir dans la suite .

  2. R Rating c’est interdit aux mineurs de 17 ans non accompagnés d’un adulte.

    Interdit aux mineurs c’est NC17 , un Rating qui n’est quasiment jamais utilisé car anti commercial pour le film.

    Le Rating est mis en place par les studios, donc ils ne vont pas se faire du tord.

    Ils ne vont pas interdire aux mineurs de payer leur place , business oblige.

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