C’est l’histoire d’un pari gigantesque, fou et extrêmement touchant : celui d’un réalisateur japonais qui tourne un film en 7 jours avec l’équivalent de 25 euros, film qui comporte un plan séquence extrêmement technique de 38 minutes. C’est aussi l’histoire d’un pari gigantesque, fou et extrêmement touchant de deux frères français, ayant une boîte de prod au Japon, qui décide de monter une structure de distribution juste pour amener One Cut of The Dead jusqu’en France et faire partager son succès (plus gros succès de l’histoire au box office japonais pour un film indépendant) à un pays qui a toujours nourri une relation de choix avec l’île nippone.
Et en plus, la distribution du film commence en même temps que celle d’Avengers Endgame, parce qu’on a pas froid aux yeux. C’est enfin l’histoire d’un film qui raconte un pari gigantesque lui-même, puisque One Cut of The Dead parle d’un plan séquence de 38 minutes ; un pari gigantesque, fou, et extrêmement touchant. Un film unique en son genre, survolté et totalement jouissif qu’on n’a envie de défendre jusqu’à son dernier souffle.
Après avoir réalisé huit court métrages, Shinichiro Ueda s’est donc lancé dans le long sans la moindre retenue. On peut penser son One Cut of The Dead en trois moments : le premier est un plan séquence de 38 minutes, qui raconte comment un tournage de film de zombies se retrouve parasité par une vraie invasion zombie. La mise en scène de cette séquence folle, drôle et volontairement cheap laisse très vite comprendre qu’il s’agit aussi d’un film : la caméra est un personnage à part entière, on est bien face à une fiction, dans la fiction, qui elle-même raconte une fiction. Christopher Nolan peut gentiment aller se rhabiller et ranger sa toupie dans son placard.
C’est durant la deuxième partie du film que l’on comprend le pourquoi du comment de ce plan séquence : c’est un réalisateur de télé, nommé
Takayuki Higurashi, qui est chargé pour le lancement d’une nouvelle chaîne de réaliser un film de zombies en une seule prise et en direct. C’est l’occasion pour lui de redonner un peu de peps à sa vie familiale ; tandis qu’il s’enferme dans des réalisations molles et sans risques, sa fille se fait virer de tournages de pub car trop attachées à un cinéma authentique et puissant. Quant à sa femme, ancienne actrice, elle regrette l’époque où elle jouait devant les caméras…
Cette deuxième partie, très drôle, raconte la pré-production quelque peu chaotique de ce projet fou. Higurashi engage un acteur/chanteur célèbre parce que sa fille est fan de lui, il tente de faire avancer son projet malgré les réticences de sa star (une idol, intouchable), il doit gérer un acteur alcoolique… Pour parler termes techniques, on peut dire que tout ce qui se passe dans cette deuxième partie correspond au fusil de Tchekov. C’est-à-dire que chaque élément de l’intrigue est mis en place pour être finalement utilisé lors de la partie finale.
La partie finale, ce sont les coulisses de la réalisation du plan séquence. C’est là où tout prend sens : au début du visionnage de One Cut of The Dead, on peut penser à une espèce d’exercice péteux métafilmique avec une réflexion à la noix sur le cinéma en tant qu’art, sur la mise en abyme du récit… Il n’en est rien. Ueda est tout à fait au courant que Sono Sion a déjà dit tout ce qu’il y avait dire dans ses magnifiques Why don’t we play in Hell et Antiporno. La réussite de ce film sur un film, c’est sa simplicité : plutôt que de parler de cinéma, il ne fait que raconter un amour du cinéma. Son acte final, qui montre comment toute l’équipe se sacrifie pour la réussite du plan séquence en improvisant autant que possible, est jubilatoire, jouissive et libératrice.
C’est cliché de parler de lettre d’amour au cinéma, mais il n’y a pas de meilleure manière pour décrire ce film ; et cet amour s’étend aux personnages, dont les relations sont révélées subtilement au fur et à mesure de l’intrigue : au final One Cut of the Dead raconte l’histoire d’une famille qui s’aime, et qui s’aime à travers le cinéma. C’est pourquoi après avoir tant ri devant le film, on a fini la larme à l’œil. C’est pourquoi cet article existe : une envie de partager l’amour qu’un film procure. Même quand il parle beaucoup de zombies. Alors, chers lecteurs, chères lectrices. Et si on s’aimait ?
One Cut of the Dead, réalisé et écrit par Shinichiro Ueda. Sortie française progressive (le 24 avril 2019 d’abord puis dans davantage de cinémas courant mai)