Hostiles : Ouest terne

Indiens vs Cow-boys, c’est un sujet qui n’est pas inconnu au cinéma américain. Hostiles nous place en 1892, après le déplacement forcé des Indiens (la tristement célèbre Trail of Tears) et après le massacre de Wounded Knee. Si la haine entre les Amérindiens et les nouveaux venus à chapeau Stetson est toujours aussi forte, le poids des massacres et du sang coulé commence à peser sur les épaules des « héros » du Far West. C’est dans ce contexte que le Capitaine Joseph J. Blocker (Christian Bale), qui déteste les Indiens, doit contre sa volonté accompagner Yellow Hawk, un chef Cheyenne (Wes Studi), prisonnier de guerre mourant, sur sa terre natale, pour y reposer en paix. La petite compagnie sera très vite rejointe par Rosalie Quaid (Rosamund Pike) dont la famille vient de se faire exterminer sous ses yeux par des Comanches. Autant vous dire que l’ambiance ne va pas être folichonne !

Pour nous exposer ce que je viens de dire, le film n’y va pas par quatre chemins. Une scène où la famille de Rosalie se fait exterminer, une scène où le Capitaine Blocker explique qu’il est tout fâché de devoir aider ses pires ennemis, une scène où il montre aux Indiens qu’ils vont en baver pendant le trajet, on ne peut pas dire que le film fasse dans la subtilité…

Le film est une succession de grandes phrases qui feraient bon effet en noir blanc sur un mur Facebook

Et cette entrée en matière au forceps donne d’entrée de jeu la tonalité du film. Amis de la légèreté et de l’imprévu, passez votre chemin, Hostiles n’est pas fait pour vous. Comme vous l’avez immédiatement compris en lisant le synopsis, le sanguinaire colonel et le sanguinaire chef indien vont bien sûr tout au long de leur périple beaucoup apprendre l’un de l’autre, et surtout beaucoup apprendre sur eux-mêmes. J’exagère à peine la simplicité du message du film qui n’a d’égale que la lourdeur avec laquelle il nous est transmis. Hostiles est une succession de grandes phrases qui feraient bon effet en noir et blanc sur un mur Facebook, prononcées gravement par les acteurs regardant avec profondeur l’horizon ou un autre personnage. Ça en devient presque comique. Presque, parce qu’on s’ennuie ferme en réalité.

On sent que beaucoup d’efforts ont été fournis pour livrer un grand film sur la relation entre les Américains et ceux qu’ils ont massacrés. Les acteurs, malgré leurs personnages très limités, sont au niveau. La photographie est joliment travaillée pour s’opposer fortement aux grands westerns du cinéma américain avec une ambiance terne et oppressante très loin de La prisonnière du désert. Enfin, plus intéressant, un soin particulier a été apporté à la représentation des cultures amérindiennes avec notamment un usage très fréquent de leurs langues (y compris parlée par Christian Bale). C’est très agréable à entendre et ça donne un peu d’intérêt au film.

quitte à faire un effort pour bien représenter les peuples amérindiens, c’est quand même dommage de faire un film sur les remords de leurs assassins…

Parce qu’au-delà de ça, on est quand même sur le mythe de la rédemption de l’homme blanc dans tout ce qu’il y a de plus bancal et gênant. Joseph J. Blocker nous est dressé à coups de marteau en début de film comme un salaud de soldat qui a comme principale passion de massacrer les Indiens. Mais pendant tout le film, on a l’impression de voir un personnage de James Stewart ou de Matt Damon tant il enchaîne les bonnes actions (tout en restant tourmenté, évidemment). Cette volatilité du personnage gâche totalement le fil rouge de la rédemption tant le personnage est sympathique et altruiste. Tout son passé de monstre est hors champ, invisible pour le spectateur, installé uniquement par des dialogues lourdauds et c’est pour cela que rien ne fonctionne. Et puis, quitte à faire un effort pour bien représenter les peuples amérindiens, c’est quand même dommage de faire un film sur les remords de leurs assassins… Cerise sur le gâteau, le premier signe de réconciliation entre le chef cheyenne et le soldat américain se fera évidemment dans une lutte commune contre une autre menace, les Comanches, qualifiés de « sauvages » par Yellow Hawk, car il n’y a rien de mieux pour briser les frontières qu’une haine commune pour une autre altérité (tmtc Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?).

Pas grand-chose à sauver de Hostiles, malheureusement. Derrière les bonnes intentions et une belle image, le récit, à la fois creux et lourd, servi par une mise en scène pataude et des péripéties cousues de fil blanc n’arrive jamais à convaincre.

Hostiles, de Scott Cooper. Avec Christian Bale, Wes Studi, Rosamund Pike. 2h14. Sortie le 14 mars 2018.

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1 thought on “Hostiles : Ouest terne

  1. Petite parenthèse: Pour ceux qui se poseraient des questions sur ma corpulence. Pas de panique! Cest tout à fait normal, la morphologie des Indiens comparée aux normes occidentales est très différente. En général les Indiens originaires de lInde (rurale), en plus de ne pas être très grands sont pour la plupart très souvent en sous-poids..

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