Call me by your name : Sarà Perché Ti Amo

Il est des films qui vous laissent une empreinte profonde et indélébile au moment même où vous les découvrez. Vous n’êtes pas encore sorti de la salle, et pourtant, vous vous surprenez à tenter de retenir chaque plan, dont l’atmosphère singulière s’est déjà emparée de vous. Nous sommes en plein mois de décembre, en moonboots et combi de ski au Festival des Arcs, et nous venons de vivre une folle passion en plein été, sous le soleil brûlant de l’Italie.

Sélectionné en tant qu’avant-première dans la catégorie Playtime, Call me by your name est un petit bijou doux-amer qui retranscrit avec grâce toute l’intensité du premier amour. Il s’agit d’une adaptation du roman d’André Aciman, Plus tard ou jamais, co-écrite par le grand James Ivory (Maurice, Retour à Howards End… et quand même 89 ans au compteur) et réalisée par l’italien Luca Guadagnino.

En 1983, à tout juste 17 ans, Elio est un garçon insouciant, chéri par des parents intellectuels qui lui ont transmis le goût pour la musique et l’art. Son été se retrouve rapidement perturbé par l’arrivée d’Oliver, Apollon américain de 24 ans, venu préparer sa thèse en histoire de l’art avec le père d’Elio. D’intrus arrogant, Oliver devient peu à peu objet de désir dans le cœur d’Elio, avant que leur relation ne se transforme en véritable histoire d’amour.

 

Call me by your name est un film solaire et hypnotique, qui prend son temps pour jouer la carte du Tendre et installer pleinement les deux héros dans leur idylle. L’été est lent, rythmé par des repas en famille, des débats sur l’Art, des balades à vélo, des danses enivrantes à la tombée de la nuit où les corps et les sentiments se dévoilent de plus en plus. L’adolescent est troublé, et nous avec lui. Oliver est agaçant, il est aussi irrémédiablement irrésistible ; et voilà que le spectateur se met lui-même à guetter ses apparitions.

Grâce à cet éloge de la lenteur, Call me by your name lorgne du côté de l’expérience sensorielle : les cinq sens du spectateur sont constamment mis en éveil, en même temps que ceux du jeune Elio. La musique de Sufjan Stevens est enivrante et donne au spectateur les clés de la narration. Les corps sont insolents et l’érotisme qui baigne dans cette œuvre léchée (sans jeu de mots) est joliment accentué par la photographie de Sayombhu Mukdeeprom, complice d’Apichatpong Weerasethakul. Oliver (Armie Hammer), corps bronzé et blondeur incongrue, a l’allure d’un cowboy et la sensualité d’un Delon au bord d’une piscine. Son assurance contraste avec la gaucherie d’Elio, adolescent en quête d’identité et franchement craquant (avec sa nomination aux Golden Globes pour sa prestation et la sortie prochaine de Lady Bird, 2018 sera décidément l’année Timothée Chalamet ou ne sera pas).

L’attirance sexuelle des deux héros (aah cette scène de la pêche !) ne doit pas cacher la puissance de l’Art dans le lien qui les unit dès le départ. Par la musique, Elio en pianiste virtuose parvient à troubler l’impassible Oliver. Et c’est par la lecture d’Heptaméron avec ses parents (« Mieux vaut-il parler ou mourir ? ») que le jeune Elio se décide à avouer ses sentiments. L’Art permet à ces deux hommes de se découvrir dans tous les sens du terme. Car comme le disait Victor Hugo, « dans le premier amour, on prend l’âme bien avant le corps ».

 

 

On saluera enfin l’importance des seconds rôles qui agissent comme des piliers bienveillants dans la vie et la quête d’identité d’Elio. Contrairement à Oliver, Elio a la chance d’avoir des parents visionnaires et modernes, en pleine empathie vis-à-vis des tourments de l’adolescent. La mère, admirablement jouée par une Amira Casar polyglotte, comprend ainsi en un regard le chagrin de son fils. Le père, dans une scène finale un peu trop surréaliste (« de la science-fiction » d’après un voisin spectateur), n’hésite pas lui non plus à consoler son fils homosexuel, de manière franchement assez inattendue. Le personnage de Marzia (Esther Garrel), amoureuse éconduite, accepte quant à elle de pardonner à Elio de l’avoir fait souffrir, et apparaît dès lors comme une figure protectrice, qui sera présente aux côtés du jeune homme, quoi qu’il advienne.

Avec Call me by your name, Luca Guadagnino réussit à aller au-delà d’un simple récit sur la passion entre deux hommes (qu’on imagine par ailleurs difficile à vivre dans un petit village italien des années 80), pour livrer une sorte de « dogme » sur le premier amour, dans toute sa beauté et sa douleur. Au spectateur de suivre le conseil donné en filigrane par le réalisateur : mieux vaut parler de ses sentiments et accepter ce que l’on est, plutôt que de mourir à petits feux, en passant à côté de sa vie.

Call me by your name, de Luca Guadagnino. Avec Timothée Chalamet, Armie Hammer, Michael Stuhlbarg, Amira Casar, Esther Garrel. Sortie le 28 février 2018.

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