C’est une œuvre qui aura marqué toute une génération. Et on ne parle même pas du livre originel de Stephen King. L’œuvre en question n’est autre qu’un petit téléfilm en deux parties, diffusé un soir d’octobre 1993 sur M6 (et multi rediffusé depuis), qui a traumatisé à l’époque nombre d’adolescents et d’adultes. Vous pouvez faire le test avec n’importe lequel de vos collègues ou de vos proches âgés disons de plus de 30 ans. Si le titre en anglais (« It ») ou en français (« Ça » ou « « Il » est revenu ») leur dira vaguement quelque chose, il suffit simplement d’évoquer « le clown » et les réactions passionnées, entre effroi, excitation et amusement, ne se feront pas attendre.
« Ça » est de retour ! Et ça en vaut la peine.
Toujours en quête d’un remake ou d’une suite pour remplir ses tiroirs caisses, Hollywood a eu cette fois la bonne idée de s’attaquer au phénomène. Car la mini-série de ABC, avec un peu de recul, a pris un vrai coup de vieux. Mal filmée, très mal interprétée, notamment par les héros-adultes dans la seconde partie, elle ne vaut encore aujourd’hui le coup d’œil que pour la bande d’enfants d’acteurs et surtout le célèbre clown, maléfique et grotesque à la fois, incarné avec une certaine jubilation par le Britannique Tim Curry, rendu célèbre par son rôle de travesti dans le mythique The Rocky Horror Picture Show.
Près de 30 ans plus tard, « Ça » est donc de retour ! Et ça en vaut la peine. Le pitch reste le même : Dans une petite commune du Maine, un enfant, le petit Georgie, disparaît, happé par un clown monstrueux dans les égouts. Son frère aîné et sa bande d’amis – les losers -, des préados pas forcément bien dans leur peau, vont affronter durant l’été la créature qui hante la ville depuis la nuit des temps. Les premières images qui avaient filtré ces derniers mois ne laissaient pas de place au doute : cette nouvelle version serait plus effrayante, plus violente aussi. Découverte en avant-première au Festival de Deauville le week-end dernier avant sa sortie officielle le 20 septembre prochain, l’adaptation se veut plus fidèle au roman de Stephen King que la mini-série des années 1990. Le clown « Pennywise », – impressionnant Bill Skarsgård, bien aidé par un maquillage particulièrement réussi -, est bien plus flippant et débarrassé de son côté granguignolesque et la violence, tant physique que psychologique, qui avait été édulcorée du téléfilm, est cette fois bien présente. La scène d’introduction donne tout de suite le ton. Le film de 2h15 monte en intensité dans l’effroi, use de quelques jumpscares bien sentis et se permet de presque tout montrer (classé R aux Etats-Unis, il sera seulement interdit aux moins de 12 ans en France). Car le clown diabolique est la somme de toutes les peurs, surtout les plus intimes, pour ces enfants auxquelles ils vont devoir se confronter pour ne pas sombrer ou plutôt flotter (vous comprendrez après avoir vu le film).
« Ça » est très efficace (…) flippant tout en étant très drôle
S’il ne s’invite pas forcément dans le trio des meilleures adaptions du maître King (tiens d’ailleurs, quel est votre trio ? envoyez nous vos suggestions), Ça est un film d’horreur très efficace, l’un des meilleurs de ces dernières années, flippant tout en étant très drôle, même s’il n’est pas exempt de défauts. Le réalisateur argentin Andy Muschietti, pourtant plutôt à l’aise dans le domaine (il était déjà aux manettes du réussi Mama chapeauté par Guillermo del Toro), mise trop souvent sur le sounddesign pour annoncer les moments de tension ; les effets spéciaux ne sont pas toujours une réussite, notamment dans certaines incarnations du monstre protéiforme, et on se demande encore pourquoi le clown prend autant de temps pour massacrer ses potentielles victimes avant subitement de renoncer, un défaut récurrent du genre. Bon c’est sûr, à leur place, on serait bien content !
Mais Ça se veut aussi un formidable récit initiatique avec des personnages vraiment attachants et formidablement interprétés. On pense – forcément – à Stand By Me (adapté de Stephen King par Rob Reiner), les Goonies et bien sûr Stranger Things, d’autant plus que l’action a été transposée dans les années 80. Des jeunes confrontés à leurs névroses et à des drames personnels auxquels les spectateurs des années 2000 peuvent aisément s’identifier. On y évoque les premiers émois amoureux et presque sexuels de ces préados, l’arrivée des règles pour la seule fille du groupe, le harcèlement, le dépassement de soi, la cruauté ou l’indifférence de leurs parents et des adultes en général – un thème récurrent chez Stephen King -, etc…
Pas sûr néanmoins que ce Ça new age aura le même impact sur la nouvelle génération. S’ils se rueront vraisemblablement en masse pour le voir sur grand écran, comme semblent le confirmer les résultats après le premier week-end d’exploitation aux US (117 millions de $ !) et que la suite, prévue en 2019 et centrée sur les personnages devenus adultes, est déjà en chantier, les pré-ados et leurs ainés en ont vu d’autres. Ce n’est pas un clown de plus qui va les impressionner. Quoique…
It ( Ça ) de Andy Muschietti avec Finn Wolfhard, Javier Botet, Nicholas Hamilton, Megan Charpentier and Bill Skarsgård. 2h15