Petite surprise au début de la projection au marché du film, dans le cinéma l’Olympia : le film d’Abel Ferrara est diffusé sans sous-titre. Bien sûr, l’anglais n’est pas un problème au vu de mon métier alimentaire mais tout de même, dans un documentaire où beaucoup de scènes se passent lors de concerts, il faut s’accrocher pour tout saisir !
Et pourtant, ce côté brut de décoffrage (dix avé maria pour avoir utiliser une expression aussi pourrave) correspond tout à fait la tentative de Ferrara : alors que les équipes de la cinémathèque de Toulouse le suivent pour une rétrospective sur sa carrière, et qu’il monte plusieurs concerts avec son groupe de musique en France, le réalisateur originaire du Bronx décide de réaliser un documentaire sur toute cette expérience. Rock’n Roll quoi.
Le tout n’a ni queue ni tête ni nombril, mais franchement peu importe ; cela dure à peine quatre vingt minutes, ça swingue et ça dézingue bien comme il faut et le tout sans grande prétention. Très vite, il apparaît clair que Ferrara n’en a rien à carrer de sa rétrospective, ni de ses fans ; la seule chose qui compte dans l’instant, c’est son groupe de musique et les concerts organisés. L’une des meilleures séquences du film le montre distribuer des flyers dans les rues de Toulouse, et à des étudiants en université dont pas un ne semble reconnaître le bonhomme. Peu importe, il s’en fout totalement ; et le type a autant d’énergie en réserve qu’il ne lui manque de dents. Et l’on voit bien que c’est dans la rue qu’il est le plus à son aise.
En fait, le film lui-même est totalement une manière pour lui de promouvoir son groupe de musique, et il ne s’en cache à aucun moment. On relèvera tout de même l’ironie assez incroyable de la nécessité de réaliser un film sur sa carrière de musicien pour être vu autrement qu’un réalisateur… Ironie dont il semble être parfaitement conscient, à l’image de cette séquence où son guitariste chante le générique de fin d’un de ses films et qu’une femme dans le public parisien le hue et hurle « c’est nul » pendant toute la chanson.
Ce sont donc évidemment les séquences musicales, nombreuses dans le film, qui sont les plus remarquables ; déjà, elles sont mises en scène pour les concerts, donc on a la patte du réalisateur qui s’installe, mais en plus, elles sont les plus street. Ouais, j’ai dit street, parce que je trouve que c’est le meilleur mot pour décrire le ciné Ferrara. Les musiciens balancent du rock bien sale, du son qui crache et qui sent le sexe (mention spéciale à la choriste danseuse qui se désappe sur scène, elle a droit à quatre ou cinq scènes dans le film, clairement Abel Ferrara n’a pas voulu en couper le moindre moment), allant du punk au jazz au rap sans demi-mesures. Et le tout très souvent avec beaucoup d’impro, puisque le groupe n’a pas de batteur ! Sérieusement, en arrivant à Toulouse, Abel Ferrara recrute un batteur local à partir de Youtube ; autrement dit, n’hésitez pas à mettre vos performances sur la toile, artistes en herbe. Au fond, Youtube, c’est la rue du 21ème siècle.
Alive in France n’a rien d’exceptionnel, rien de révolutionnaire, il est tout simplement… Un bon moment à passer, et pas grand-chose de plus. Et c’est déjà bien assez. Que demande le peuple ?