Mise à Mort du Cerf Sacré : fume, c’est du Lanthimos

Le problème majeur des cinéastes dont on dit qu’ils savent toujours nous en foutre plein la vue, c’est qu’ils finissent souvent par se caricaturer, et devenir ce que  l’on attend d’eux, annihilant finalement – et c’est là le paradoxe – l’effet de surprise dont l’évocation de leur nom est pourtant la promesse.

Aussi, l’on ne pourra après The Lobster, Canine et Alp, être surpris par Yorgos Lanthimos que s’il venait à faire un film simple, sain, fluide. Mise à Mort du Cerf Sacré, de la caméra du réalisateur grec est, en ce sens, une film complètement prévisible.

Parce qu’évidemment, il met en scène une histoire de fous, où un chirurgien cardiaque voit le fils d’un ancien patient décédé venir chambouler sa petite vie pépère, à coup de sorts un peu magiques et bien relous, dont on ne vous dira rien ici, parce que bon, si c’est sa marque de fabrique, l’aspect WTF de ses films est également le principal intérêt de la filmographie de Lanthimos.

Quoique je suis méchant. Ce qui est bien fichu dans son dernier film au titre provocateur (ouh, regardez comme je fais des trucs intelligents !), c’est la mise en scène de Lanthimos. Encore plus chirurgicale que d’ordinaire, elle a des allures kubriciennes, notamment dans ces longs couloirs d’hôpital si symétriques. Et ladite mise en scène, si cartésienne, si belle, contraste assez joliment avec le propos extra-ordinaire de ce qui est filmé.

La mise en place de l’intrigue est comme toujours chez le réalisateur efficace, en ce sens qu’elle fait monter un malaise perceptible d’images pourtant bien banales. Ceci est en grande partie dû à une Nicole Kidman que l’on n’avait pas vue aussi troublante depuis un bail, et qui porte le poids du film sur ses épaules. Et dans son regard. Surtout dans son regard, d’ailleurs. Parce qu’elle n’a pas des épaules de déménageur, et ledit poids du film, il est sacrément lourdaud, notamment dans sa seconde partie.

Parce que Mise à Mort du Cerf Sacré (pardon d’y revenir, mais ce titre, sérieux…) tourne au grand-guignol dans sa seconde moitié, après que le tout a virtuosement été installé. Lanthimos en vient à s’auto-caricaturer, à coup de « choix complètement oufs désicifs » que doivent faire ses héros sous peine de drame (un peu comme The Lobster).

Et le film devient un peu un sketch à la « Tu préfères », de Palmade, duquel émane parfois le rire (dans ses bons moments, c’est une farce bien fichue), mais souvent le malaise (c’est quand-même souvent foutrement nase, notamment une scène de fusillade que l’on ne révèlera pas ici, mais bordel, non, pas ça quoi).

Mise à Mort du Cerf Sacré aurait donc l’immense force de son audace, si le caractère prévisible de celui-ci à la lecture du nom de l’auteur ne faisait pas tourner ce petit manège au systématisme. Film après film, Yorgos Lanthimos, que l’on sent pourtant pétri de talent, est en train de devenir aussi foldingue que prévisible.

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