In Arras : un festival militant

Comme partenaire du Arras Film Festival, nous avons notre part de taf à réaliser. C’est ainsi qu’on se retrouve avec trois projections de presse par jour et une ou deux projections publiques selon les jours. On s’occupe, également, de la télévision du festival et on peut déjà vous dire que l’on a, dans la boite, une interview d’Hugo Gelin (Demain tout commence), Marc Fitoussi (Maman à tort), Dominique Abel et Fiona Gordon (Paris Pieds Nus) Stephen Strekker (Noces), Marco Danieli (La Ragazza del Mondo), Nadège Loiseau (Le Petit Locataire) Hélène Angel et Sara Forestier (Primaire) Marine place, Corinne Massiero et la team de Souffler Plus fort que La Mer, la team de Louis-Julien Petit (Carole Matthieu) et Bavo Derfurne (Souvenir). Mais aussi Damjan Kozole (NightLife), Marie Desplechin (Jamais Contente), et Lisa Blatter, l’une des dix cinéastes auteur du film suisse Wonderland. Et last but not least : Gustave Kervern et Sophie Reine pour le très touchant et drôle : Cigarettes et Chocolat Chaud.  Et quand on peut, on se met à écrire nos comptes rendus. Bref, c’est un peu normal qu’on finisse la journée sur les genoux à boire des bières.

Souffler plus fort que la mer
Souffler plus fort que la mer

On reviendra en fin de festival sur notre vision générale de l’événement, mais toujours est-il qu’en attendant on ne va pas se gêner pour évoquer nos coups de cœur. Après Noces et La Ragazza del Mondo, nos petits chouchous du jour se nomment Carole Matthieu et surtout Souffler Plus fort que la Mer, défendus par deux actrices adeptes du coup de poing dans l’estomac : Olivia Ross et Corinne Masiero. Marine Place est une artiste qui vient du documentaire et pour son premier long-métrage de fiction elle a décidé de continuer une filmographie de combat. Cette fois elle s’intéresse à une famille de marins, derniers pécheurs de Belle Ile. Ils pêchent de façon artisanale, pris à la gorge par les règles des politiques commerciales internationales, de l’introduction de la finance et des fluctuations boursières, donc des prix dans la pratique de la pêche. Au lieu, de faire un film à thèse, en mettant en image un article du blog de Jean-Luc Mélenchon, Marine Place préfère dresser le portrait d’une toute jeune femme partageant son temps entre la clarinette et la pêche. Souffler Plus fort que la Mer est une très belle déclaration à la mer, au Morbihan (qui n’aime pas le Morbihan ne saute pas ! PAS !) à la jeunesse et en creux se révèle comme un pamphlet poétique anti-néolibéral.

il met en lumière avec autant d’intelligence l’ultraviolence du monde du travail.

Carole Matthieu est le second long métrage d’un cinéaste qu’on suit à Cinématraque depuis ses débuts. On avait découvert, il y a deux ans, la grande famille de Louis-Julien Petit à l’occasion de notre retour à Albi comme partenaire du Festival du film francophone Les Œillades. À l’époque, Louis-Julien nous proposait de découvrir Discount qui relatait la réalité de l’exploitation quasi-esclavagiste d’un supermarché vendant des produits au rabais. Ce qui était beau, c’est qu’il refusait le fatalisme d’un Ken Loach ou d’un Brizé. Il proposait un pur film de braquage et une respiration, un appel d’air pour le spectateur à travers ses personnages qui proposaient une alternative à l’exploitation de l’humain. Il revient aujourd’hui sans les mains vides : Carole Matthieu est aussi la résurrection d’une grande actrice devenue culte, mais qui se fait de plus en plus rare : Isabelle Adjani. Là où Petit filmait le groupe avec Discount, il s’intéresse aujourd’hui avec Carole Matthieu à filmer l’individu. Mais il met en lumière avec autant d’intelligence l’ultraviolence du monde du travail.

Tu nous avais manqué Isabelle !
Tu nous avais manqué Isabelle !

Avec La Question humaine, Nicolas Klotz mettait en évidence la déshumanisation du monde du travail et surtout la façon dont le langage du management actuel s’inspirait du langage du IIIe Reich pour se débarrasser des travailleurs nuisibles. Carole Matthieu poursuit cette réflexion et rappelle que de Nuremberg aux multinationales d’aujourd’hui, chacun ne fait que son boulot, exécute les ordres et n’est pas individuellement responsable. Mais que l’inaction est une abjection de Nuremberg jusqu’à maintenant. En plus d’être une attaque brutale et intelligente contre l’idéologie actuelle qui broie quiconque essaie de l’embrasser, Carole Matthieu est également, à l’instar de Discount, un film de genre. Là où le cinéaste insistait sur le genre du braquage ou du film de prison avec Discount, avec Carole Matthieu, il lorgne vers le cinéma fantastique. Une direction qui n’a sans doute pas déplu à Isabelle Adjani.

Si l’on se demandait qui était à l’origine du projet, on est moins étonné d’apprendre que l’actrice possédait les droits du bouquin que Louis-Julien Petit a adapté. C’est aussi elle qui a proposé au jeune cinéaste de réaliser le film. Carole Matthieu est, dans un premier temps, destinée au circuit télévisuel (oh oh, comme c’est bizarre sur Arte). Louis-Julien nous a confié qu’il était forcement difficile vu le sujet et son parti pris, d’être soutenu par la grande famille du cinéma. Mais qu’importe, avoir le soutien d’Isabelle Adjani pour un artiste est bien plus valorisant que d’être choyé par les financiers du cinéma.

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