Au retour d’un séjour à la plage, un groupe de surfeurs est victime d’un terrible accident de voiture alors que le chauffeur du véhicule s’était endormi. L’un d’entre eux, Simon, ne portait pas de ceinture et se retrouve en état de mort cérébrale. Face au deuil qui s’abat sur ses proches, une urgence se pose : les organes du jeune homme, en parfait état, peuvent être éligibles à une greffe. Une greffe dont une ancienne chef d’orchestre dont la vie ne tient qu’à un fil, à des centaines de kilomètres de là, a cruellement besoin.
ça ressemble un peu à ces campagnes de pub de la Prévention Routière
Sur le papier, ça ressemble un peu à ces campagnes de pub de la Prévention Routière qui elles même ressemblent un peu à des affiches de The Leftovers. C’est en réalité le pitch de Réparer les vivants, la quatrième réalisation de Katell Quillévéré. Remarquée par sa Suzanne, qui avait valu à la formidable Adèle Haenel le César de la Meilleure Actrice dans un second rôle il y a de cela deux ans, la cinéaste a réuni cette fois-ci un casting all-star pour adapter le best-seller signé Maylis de Kerangal (la romancière préférée de Richard Millet). Autant dire que le combo film à message + enfant mort + acteurs populaires promet au film une bonne petite carrière en salles.
Mais en ces lieux, autant on trouve que la mort c’est vraiment pas cool (on est pas si anticonformistes que ça, désolés de vous décevoir), autant on trouve que les films qui ressemblent à des téléfilms pédagogiques avec Samuel Le Bihan et Mathilde Seigner suivis d’une émission spéciale présentée par Michel Cymes, c’est encore moins cool. Restait à savoir si derrière son cahier des charges qui nous vaudra un ou deux tweets de Marisol Touraine à sa sortie en salles, Réparer les Vivants était, et c’est là le principal, un vrai film de cinéma.
On sera gré au moins à Katell Quillévéré d’essayer de le faire. Pas maladroite caméra en main, elle nous offre notamment un prologue au bord de la mer plutôt bien foutu et assez osé techniquement, pour peu qu’on soit prêt à lui pardonner quelques effets de fondu entre terre et mer un peu balourds. Tantôt atmosphérique, tantôt chirurgicale (LOL), la mise en scène de Quillévéré n’obstrue jamais son récit très dense et parvient parfois à placer quelques fulgurances lors des moments de suspension du film. Le problème, c’est que ces moments de suspension sont trop rares.
voir Kool Shen avec des cheveux nous provoquera encore pendant quelques années un choc
Pour adapter le roman de Maylis de Kerangal, Quillévéré a en effet pris le parti d’étoffer une parti de l’intrigue en développant le personnage de la « receveuse », incarné ici par Anne Dorval. Là où le livre ne se place quasi exclusivement que du côté du donneur, le film ajoute tout un nombre de personnages et de situations qui se distinguent du matériau d’origine. Un choix personnel de la part de la réalisatrice qui en cela s’inscrit à contre-courant d’une autre adaptation de Réparer les Vivants, puisque le comédien Emmanuel Noblet en avait fait pour sa part un monologue seul en scène sur les planches.
Le problème du choix de Quillévéré, c’est qu’il comprime en 1h40 un nombre largement trop important de personnages. Là où le film espérait sonder les âmes de tous ceux qui se retrouvent impliqués dans un processus aussi complexe (la victime, ses parents, sa petite amie, la receveuse, ses deux fils, son amante pianiste, mais aussi tous les membres du corps médical impliqués), il ne fait finalement que survoler le tout. C’est ça quand on choisit d’empiler sur l’affiche des noms et des visages connus : on ne s’en rend que plus facilement compte quand on ne les voit pas assez souvent.
Passons outre le fait que voir Kool Shen avec des cheveux nous provoquera encore pendant quelques années un choc indescriptible. Le plus regrettable dans Réparer les vivants, c’est de faire appel à des acteurs aussi talentueux que Finnegan Oldfield, Théo Cholbi ou Alice de Lencquesaing pour leur donner au total pas plus de six minutes de présence à l’écran cumulées. Mention spéciale à la pauvre Galatéa Bellugi, révélation du joli Keeper sorti plus tôt cette année, reléguée à deux flashbacks sans aucun intérêt, dont on se demande pourquoi ils ont été conservés dans le cut final.
Ce qui plombe au final Réparer les vivants, c’est de ne pas avoir tranché entre ce qu’exigeait ses ambitions (au bas mot pas loin de 2h30 de film) et ce que permettait sa durée d’1h45. L’intention louable de faire de l’histoire d’une greffe un drame polyphonique sans véritable personnage principal ne tient malheureusement pas la route et nous laisse, frustrés, devant une copie trop scolaire et engloutie par moments par son propre message.
Sortie nationale le 2 novembre.