Where To Invade Next : fin du combat

Encore digne d’actualité à l’heure actuelle, Sicko n’a pas spécialement fait l’unanimité, arguant que Michael Moore, dans tout son amour pour la classe moyenne américaine, découvrait avec naïveté qu’en dehors des Etats-Unis, de nombreux pays se dotaient d’un système médical viable et sécurisé pour ses citoyens. Le film, il est vrai, est principalement un reportage un peu candide qui vise, avec ironie, à mieux critiquer la déchéance du système américain qui force les malades d’adhérer à des assurances santé hors de prix qui ne couvriront jamais leurs maladies. On peut malgré tout lui accorder une grande part de vérité, qui s’inscrit dans sa démarche toujours citoyenne et humaniste de se défendre des injustices et d’offrir à qui acceptera d’être réceptif, un désir d’équité sociale. L’important désormais, c’est de réaliser que Sicko est sorti il y a neuf ans, et que Where To Invade Next est majoritairement basé sur ce principe : constituer une énumération naïve des systèmes européens (code du travail, système judiciaire et éducatif) et essayer de s’en inspirer pour l’appliquer au système américain. Un choix qui révèle chez Michael Moore une perte de repères et d’inspiration qui se ressent pendant tout le métrage, comme si ses ambitions s’étaient érodées au point qu’il n’arrive plus à nous faire rire, mais plutôt pleurer.

Pour un documentariste, Moore, n’a pas la moindre structure. C’est un vrai problème, car en trois minutes montre en main, il explique qu’il va essayer de sauver les Etats-Unis, en allant piquer toutes les bonnes idées en Europe. Principe biaisé par ce melting-pot d’idées, de conceptions sociales foncièrement différentes de celles américaines, et de séquences qui s’agglomèrent difficilement car elles ne sont pas porteuses de vrais concepts. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer, d’user et d’abuser de tableaux comparatifs (ce qu’il avait déjà l’habitude de faire) et d’essayer naïvement de nous faire croire qu’il n’était pas au courant de tout cela. Si aucun questionnement ne vient à émerger, c’est parce que le réalisateur ne veut pas qu’on y réfléchisse. Tout s’enchaîne, et chaque problème est sans cesse mis en relief vis-à-vis de sa version américaine, parfois très maladroitement lorsqu’il choisit de sensibiliser le spectateur à la violence carcérale sur fond de rock’n’roll. Ce qui choque notamment, c’est à quel point Moore se laisse aller au pathos et aux montages dignes de spots pour la diversité culturelle. Si la chose est bonne dans le fond, le traitement est bêta, presque gênant quand certains intervenants ont l’air de trouver Moore lourdingue et peu intéressant dans sa démarche.

La séquence finale reste la plus mémorable, où il retrouve un vieil ami devant ce qu’il reste du mur de Berlin. Moore se remémore ce moment historique et la manière dont seulement quelques citoyens, avec des marteaux et des burins ont réussis à faire chuter un régime tout entier. Il touche les pierres, comme s’il espérait qu’elles tombent d’elles-mêmes, bien incapable de faire bouger quoi que ce soit. Fatigué et désabusé, Michael Moore a cet air du combattant révolu, s’acharnant parce qu’il ne sait pas quoi faire d’autre, mais n’étant plus capable d’être porteur d’un discours. Il se dit éternel optimiste, mais se repose sur ces habituels gimmicks, notamment cette musique rock qui a cette tendance à le rendre sympathique. Mais cette fois-ci, l’époque semble révolue, et on espère qu’il laissera la place aux autres.

Where To Invade Next de Michael Moore. 2h. Sortie le 14 septembre 2016.

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