Que Ramzy réalise son premier film sans sa moitié (ou presque) sur la thématique de la solitude, ça saute tellement aux yeux qu’on était trop près pour voir à quel point ça tombe sous le sens.
Hibou est le dernier épisode en date dans l’univers d’un duo éclaté post-Steak (le film frappé de Quentin Dupieux qui a élargi la carrière des deux zigotos), et pour la première fois, Ramzy écrit et réalise. C’est l’histoire d’un type très solitaire et non par choix, qui n’arrive à se faire voir de personne. Ses collègues, les passants, ses voisins l’ignorent. Sauf quand il fait quelque chose de mal… là, il redevient visible, mais uniquement sous forme de cible, de souffre-douleur. Jusqu’au jour où un hibou — un grand-duc, soyons précis après tout — vient s’installer dans son salon. Enfin ! Quelque chose d’inattendu, d’inhabituel ! Il va pouvoir se faire remarquer ! Mais non. Tout le monde s’en fiche.
Si c’était une comédie, ce serait une comédie de geste
C’est donc un démarrage avec un antihéros, puisqu’il n’accomplit rien ; quand c’est le cas, personne n’est là pour le voir, ce qui réduit toute action au néant. Le seul à voir le héros — interprété évidemment par Ramzy — dans toute sa splendeur et son envie d’exister, c’est le spectateur. C’en est presque gênant d’observer ce grand gaillard qui ne parvient pas à se faire sa place ; littéralement, puisque le film joue beaucoup sur le mouvement. Si c’était une comédie, ce serait une comédie de geste. Et bien sûr que ce dégingandé de Ramzy qui se meut dans un monde qui ne veut pas de lui est drôle, et bien sûr qu’il y a des éléments comiques tout au long des 80 minutes de film. On pense notamment à la présence au casting de Philippe Katerine (qui avait déjà volé la vedette à Eric et Ramzy en méchant dans La Tour 2 Contrôle Infernale). Il joue, ici, un musicien autrefois célèbre pour un tube de l’été qui parle de banane. Mais de toute évidence, Hibou n’est pas une comédie, c’est une anticomédie.
Malheureusement, il n’est pas exempt de défauts
Les codes y sont pourtant : le principe est simple, on grossit les traits. Ramzy est tellement invisible aux yeux de tous, que lorsqu’il se balade partout déguisé en hibou géant, personne ne lui prête attention. C’est un des principes fondateurs de la comédie, mais ici il ne sert qu’à faire ressentir de la pitié, ou émouvoir. Tout cela fait de Hibou un film intriguant et intéressant, parce qu’il a l’intelligence de ne ressembler qu’à lui-même. Malheureusement, il n’est pas exempt de défauts : l’image n’est pas franchement folichonne malgré quelques belles idées de mise en scène. Le cadre est surprenant : le film est tourné au Québec, qui ressemble à une ville branchée type San Francisco, mais où tout le monde parlerait français. Le montage dessert parfois assez radicalement le ton du film, et certains éléments narratifs sont trop convenus… ce qui n’est au fond pas surprenant pour un premier film. Donc, on pardonne, et on attend la suite des aventures de Ramzy. Et d’Eric. Et d’Eric et Ramzy.
Hibou, un film de Ramzy Bedia avec Ramzy Bedia, Elodie Bouchez, Philippe Katerine, Etienne Chicot. 1h23 (2016)