Love and Friendship : Faire honneur à Jane Austen

Et là, je vous entends déjà, mesdames et messieurs les puristes de Jane Austen : vous allez me dire que les adaptations de la célèbre romancière au cinéma ne font jamais honneur à son verbe et ses conjugaisons espiègles. Au mieux, elles parviennent à être des trahisons qui en font de bons films (Pride and Prejudice, la version sans et la version avec zombies), au pire elles manquent de goût.

Si vous n’en avez rien à faire de Jane Austen, évidemment je ne vous entends pas, puisque vous ne me dites rien.

Pourtant il serait bête de passer à côté du nouveau film de Whit Stillman. Le cinéaste adapte ici une novella (pensez longue nouvelle ou court roman, selon que vous êtes verre à moitié plein ou moitié vide) qui n’a jamais été adaptée et est plutôt méconnue : Lady Susan. Très simplement, c’est l’histoire d’une veuve aux mœurs légères qui s’amuse à semer le trouble dans quelques familles trop dignes pour elle. En faisant la cour à un jeune premier (Reginald De Courcy de son nom complet), tout en utilisant sa propre fille sans vergogne pour parvenir à ses fins sans jamais s’inquiéter de la détruire.

Ce qui fait fonctionner Love And Friendship, c’est son absence de compromis vis-à-vis de son personnage principal : Oui, elle est absolument monstrueuse dénuée de tout sens moral, ou bien seulement fondé sur l’amusement personnel. Le ton humoristique du tout en fait une figure que l’on adore détester. C’est un véritable pied de nez à toute possibilité de catharsis, et ce jusqu’au dénouement, à la fois inattendu, choquant et jubilatoire. On souffre pour les pauvres victimes, notamment la fille de Lady Susan, on prend un malin plaisir à découvrir tous les stratagèmes. Whit Stillman s’est d’ailleurs fait un petit plaisir puisqu’il recrée le duo Kate Beckinsale/Chloë Sevigny de son film The Last Days of Disco, et la complicité des deux actrices n’a de cesse de crever l’écran.

Le souci d’une adaptation de Jane Austen au cinéma, c’est qu’il est difficile de transposer son sarcasme et son mordant dans une dimension cinématographique. La facilité, c’est la voix off. Ici, les situations et dialogues sont assez épurés et bien encadrés pour permettre au ton de ressortir à l’image. Les décors somptueux de la campagne britannique et des belles maisons ne sont en fait jamais plus que… ben, des décors, ce qui met paradoxalement les dialogues en valeur. À côté de ça, Stillman s’est permis quelques écarts légers au naturalisme de la mise en scène qui donnent un côté théâtral au tout, ce qui renforce la qualité de cette distance qui permet de faire rire de l’affreux. Franchement, en dehors de son titre totalement bidon, Love and Friendship parvient à faire un sans-faute : c’est un bon film du genre et une bonne adaptation.

Love and Friendship de Whit Stillman avec Chloé Sevigny et Kate Beckinsale. 1h32.

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