L’économie du couple de Joachim Lafosse

Marie et Boris ne s’aiment plus, mais vivent toujours sous le même toit, avec leurs deux filles. Ils vont divorcer et se séparer réellement, mais seulement une fois que les quelques détails de comptabilité seront gérés. Elle est une fille de bonne famille, lui ne possède pas grand-chose.

Evidemment, à la lecture du pitch, l’on comprend aisément qu’il ne va à nouveau pas s’agir pour Joachim Lafosse de nous faire rêver, de nous faire marrer, de nous rendre heureux. Non, l’idée, c’est de rendre compte de l’influence de l’argent sur les histoires de désamour. Et plus précisément de l’influence des inégalités sociales au sein du couple lorsqu’il y a séparation. Le film est donc comme promis excessivement difficile, éreintant, mais on se questionne en permanence sur l’intérêt qu’il revêt. S’agit-ce ici vraiment de cinéma ou bien de sociologie des ménages ? Est-ce que ceci a sa place dans une salle obscure ?

Comme bon nombre de « films sociaux », il conviendra à chacun de se faire son avis au regard de son propre vécu, de ses propres questionnements existentiels.

A mon sens, l’atout principal de L’Economie du Couple, ce qui fait pencher un peu la balance du côté du cinéma, ce sont ses deux magistraux acteurs, Bérénice Béjo et surtout le bien trop rare Cédric Kahn (que l’on connaît surtout derrière la caméra). Bien aidés par des dialogues au rythme imparable, ils donnent une dimension de grand combat au film, semblant chacun vouloir en permanence avoir les faveurs du spectateur comme de leurs gamines. Oui, il s’agit dans les bons moments de nous faire du charme, de nous prendre à partie pour emporter notre adhésion.

Une choré de Béjo et Kahn sur du Maitre Gims : ceci n'est plus  qu'un Kamoulox
Une choré de Béjo et Kahn sur du Maitre Gims : ceci n’est plus qu’un Kamoulox

La position dudit spectateur, si elle peut être stimulante dans cette quête du à-qui-la-faute-et-qui-est-le-gentil reste tout de même problématiquement inconfortable, notamment dans les nombreuses scènes en présence des deux enfants. A notre image, celles-ci passent le film à subir, engendrent trop d’empathie, trop de pitié, trop de tristesse sans réconfort. Jamais par exemple ne les voit-t-on jouer ensemble sans leurs parents. Et le spectateur non plus ne connaît aucun temps de repos, aucun ménagement. Le procédé, de fait, est quelque peu malhonnête en ce sens que Lafosse ne montre que ce qui fait mal, faisant fi du reste. Comme pour accumuler les ficelles émouvantes, à actionner à envi, jusqu’à épuisement.

D’aucuns répondront que c’est la vie, que c’est difficile, que c’est triste.

Il s’agira donc pour ceux-ci de ne plus considérer L’Economie du Couple comme un film de cinéma, mais comme une mise sur écran de façon très plate, quasi-théâtrale, d’un sujet d’examen de sociologie. On s’en tient aux chiffres. On n’en a que faire des raisons de la séparation. On ne digresse jamais. Tout est froid, sévère, bien trop puissant pour une salle obscure. Dangereux, presque. Parce que s’il est incontestablement une claque, le film de Joachim Lafosse en est une qui fait très mal mais aucun bruit. Qui t’emporte un bout de mâchoire dans son élan. Les lumières se rallument et tout le monde essuie ses larmes, se lève et baisse la tête. Sort de la salle de cinéma penaud.

Ce qu’il reste du film ? Pas grand-chose, finalement, sinon le souvenir d’émotions fortes, courtes, franches. Beaucoup de réponses, très peu de questions. L’Economie du Couple a quelque peu fait l’économie du cinéma.


Gaël Sophie Dzibz Julien Margaux David Jérémy Mehdi
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Le tableau des étoiles complet de la sélection à ce lien


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Un film de Joachim Lafosse, avec Bérénice Bejo et Cédric Kahn

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