Du 15 au 24 avril 2016 se déroule la 7ème édition de Séries Mania, le petit festival qui n’en finit plus de grandir. Les organisateurs n’ont pas attendu la fusion prévue pour l’année prochaine avec Séries Séries (demandée par le ministère de la culture pour créer un «Cannes» des séries). Rayon nouveautés on compte la création de deux compétitions (l’une autour des premières mondiales avec un jury présidé par David Chase, l’autre pour les séries américaines remises par l’ACS, association toute neuve des critiques de série), la diffusion minimale de toutes les séries deux fois et un partenariat avec UGC pour bénéficier de deux lieux de projection supplémentaires. Et qui dit gros festival, dit difficultés pour en assurer la couverture totale. Mais je ne vous laisserais pas sans rien et vous propose un petit résumé de mes découvertes de ces deux premiers jours.
Samedi 16 avril
11h30 – Rebellion
C’est quoi ? Une série, en costume, irlandaise en 5×52 minutes. On y suit les événements des « Pâques sanglantes ». Pour tous les petits Français qui n’ont pas eu la chance de suivre des cours d’histoire sans trous, il s’agit d’une des insurrections nationalistes irlandaises en pleine Première Guerre mondiale qui préfigure la Guerre d’Indépendance à venir. L’histoire est racontée du point de vue de femmes.
C’est bien ? C’est d’un grand classicisme. Tout est très honnête, les costumes et décors sont plus que jolis, mais la narration est un peu bateau : conflits familiaux, problèmes de classes sociales, triangle amoureux… Rien de bien différent de ce qu’on a vu tout récemment dans Downton Abbey ou Parade’s end pour ne citer que celles-là. A voir pour les fans de Period Drama à l’anglaise, sinon on peut passer son tour.
ça repasse quand ? Episodes 1 et 2 le lundi 18 avril à 17h30
14h30 – Ennemi Public
C’est quoi ? Un polar de 10 épisodes de 52 minutes produit par la RTBF [Belgique] après un concours de talent. L’histoire est inspirée par celle de la femme de Marc Dutroux qui, une fois libérée de prison, est allée s’installer dans un couvent. Dans la fiction, c’est un serial killer qui entre dans une communauté de moines au milieu des Ardennes. Une flic est chargée de le protéger du village qui ne veut pas de lui, mais c’est sans compter sur le meurtre d’une fillette dans la région.
C’est bien ? Vu le sujet, on pourrait s’attendre à mieux. C’était l’occasion de traiter la question du retour à la société de ceux que l’on considère comme des monstres, malheureusement, loin de la réflexion sociale, la série se concentre sur l’intrigue policière pleine de clichés [flic traumatisée, serial killer qui regarde par en dessous, moine compréhensif mais qui doute, paysage beau mais mystérieux, projet immobilier d’envergure prévu de la région et dont tout le monde dépend]. Ennemi Public est complètement écrasé par ses modèles prestigieux, de True Detective au néo-noir nordique.
Ça repasse quand ? Épisodes 1 et 2 jeudi 21 avril à 19 h 45 avec toute l’équipe pour un débat.
17h – NSU German History X
C’est quoi ? Une minisérie avec seulement 3 épisodes de 90 minutes chacun. Produite par ARD, la chaîne publique allemande, elle évoque des meurtres racistes qui ont eu lieu au début des années 2000, perpétrés par un groupe de néonazis.
C’est bien ? C’est mieux que bien. C’est la première grosse claque de ce festival. L’épisode diffusé samedi a le courage d’épouser le point de vue de ces jeunes paumés qui choisissent la violence. Si plusieurs regards caméra sont là pour nous mettre à distance et nous rappeler que nous sommes dans la fiction, NSU German History X ne veut pas nous dissocier de ses personnages. Elle veut nous faire prendre conscience que ce qui nous oppose à « eux » est plus ténu que ce qu’on voudrait bien croire. En plus d’un propos engagé, la mise en scène est à la hauteur, ce qui est assez rare dans une série pour être souligné. Et même si le sujet est difficile, promis, ça n’est pas trop hard à regarder.
Ça repasse quand ? Épisode 1 jeudi 21 avril à 12 h.
20h15 – The Writer
C’est quoi ? La dernière création de Sayed Kashua, écrivain israélien arabe à qui on doit déjà Travail d’Arabe, constituée de 10 épisodes de 25 minutes très autobiographiques : un double de lui-même, père de famille et scénariste traverse une crise existentielle.
C’est bien ? Au début sans plus. Dans les épisodes 1 et 2, c’est Louie, mais en moins bien. Tout y est, la poésie et le décalage du quotidien, l’humour tirant plutôt vers l’amertume que la franche rigolade… Et puis, dans les épisodes suivants, on dépasse un peu la petite crise de la quarantaine pour s’ouvrir sur des thématiques plus originales comme la difficulté de construire son identité, de transmettre son héritage culturel, d’être en accord avec soi-même, et l’incidence que cela a sur la vie de tous les jour, l’air de rien. À partir de là, The Writer se détache de son modèle et trouve sa voix, parvenant enfin à captiver.
Ça repasse quand ? Épisode 1 à 4, jeudi 21 avril à 14 h.
Dimanche 17 avril
11h30 – Show me a hero
C’est quoi ? Le retour de David Simon [et Paul Haggis] avec une minisérie de 6 épisodes. C’est encore une fois l’adaptation du livre d’un journaliste, celui de Lisa Belkin, retraçant le parcours d’un jeune maire de Yonkers, obligé par la justice à construire des logements sociaux dans des quartiers où les habitants sont violemment opposés à ces changements. Enfin ça c’est sûr le papier, dans le fond on sait très bien que c’est l’adaptation d’un événement trépident de la ville de Paris où l’on assiste à la détresse des habitants du 16ème arrondissement face à la dictature socialiste.
C’est bien ? Je comprends que le nom Paul Haggis fasse tiquer mais douter de David Simon, faut pas pousser. Comme d’habitude, fidèle à lui-même, le résultat est une œuvre humaniste et subtile. Si l’éclatement des points de vue est un peu moins fluide que d’habitude, on suit avec passion ces destins confrontés à la violence de la réalité politique. Bref, si vous restez insensible et ne versez pas votre petite larme, vous êtes sans aucun doute possible un animal préhistorique partouzeur de droite.
Ça repasse quand ? Malheureusement, il fallait être là dimanche matin pour le seul marathon en journée du festival. Mais c’est Américains donc pas trop dur à retrouver dans vos filières habituelles.
14 h 45 — Lola Upside Down
C’est quoi ? Un ovni finlandais diffusé en avant-première mondiale. Difficile de raconter clairement ce qui se passe dans ces 12 épisodes de 58 minutes. Disons que Lola Upside Down fait le portrait des habitants hauts en couleur de la ville de Flatnäs et plus particulièrement de ses jeunes habitantes. La série est inspirée par une nouvelle de Monika Fagerholm.
C’est bien ? En tout cas, ça ne laisse pas indifférent. On entre ou pas dans l’univers onirique et un brin absurde de Lola, dont le montage fonctionne un peu avec la logique du collage surréaliste. Le rythme et le ton peuvent en dérouter plus d’un, mais si on y adhère, on appréciera le mélange entre pastel rose bonbon et ironie la plus acide, écrin à l’éclosion de ces jeunes filles plus intrigantes les unes que les autres.
Ça repasse quand ? Épisodes 1 et 2 le vendredi 22 à 19 h 30 suivi d’un débat avec Ulrika Bengts la créatrice.
18h – The Kettering Incident
C’est quoi ? La création d’un des nombreux fans de Twin Peaks. Une petite ville loin de tout, des personnages pleins de secrets, des lumières bizarres, des disparitions inexpliquées… Alors extraterrestres ou pas ? Il faudra attendre le huitième et dernier épisode pour le savoir.
C’est bien ? Si j’avais pu, personnellement, j’aurais diffusé les épisodes 1 et 8. Comme ça on se libère du poids de la curiosité qui doit être la seule raison qui pousse à s’enquiller 8 épisodes. C’est inutilement long. La surdose de mystère vient camoufler une narration vide et sans originalité.
Ça repasse quand ? Épisode 1 et 2 le mardi 19 avril à 11 h 30
20 h 15 — Cleverman
C’est quoi ? X-men australien, un des coups de cœur des programmateurs de Séries Mania. On suit durant 6 épisodes de 52 minutes le destin de différents personnages évoluant dans une Australie futuriste où des mutants ostracisés tentent de survivre.
C’est bien ? Le concept est audacieux. Ryan Griffen, le showrunner, se sert de la dystopie pour évoquer l’inhumanité avec laquelle on traite la communauté aborigène dans son pays de manière assez frontale. Malheureusement, passée l’idée super chouette, la série ne tient pas la route sur la longueur. Les personnages sont trop caricaturaux, les effets un peu cheap, et l’histoire pas très bien construite. Résultat, le suspense n’est pas au rendez-vous et l’intérêt du spectateur retombe très vite.
ça repasse quand ? Mardi 19 avril à 17h30