Le réalisateur a prévenu d’emblée, lors de la cérémonie de clôture du Festival de l’Alpe d’Huez où était projeté en avant-première mondiale Les Gorilles, déjugeant ainsi la très honorable sélection officielle : son film, Les Gorilles, n’est « que drôle ». Fait pour « ne pas se prendre la tête, juste rire ». Or, si la sélection nous a bien appris quelque chose, c’est que le rire ne se suffit jamais à lui-même. Que l’humour résulte de recettes magiques, conséquent à la gêne (Papa ou Maman), à la perte de repères (Réalité), à la tendresse (Arnaud fait son 2e film) ou encore à l’antipathie (The Grump).
Mais donc, il s’agissait là de ne faire que rire. Et donc d’engendrer un film informe, sorte de succession de scènes ne fonctionnant jamais car inhabitées par les deux personnages principaux que l’on n’aura jamais bien cernés, résultant de pitch à qualificatifs : l’un serait maladroit, bavard et idiot, l’autre bourru, violent mais sensible. L’un serait donc un acteur comique à la mode (Manu Payet) et l’autre Joey Starr, puisque c’est toujours Joey Starr – certainement l’un des plus grands gâchis du paysage cinématographique français.
Les deux seraient des gardes du corps qui seraient chargés de protéger une star montante du R&B.
Le cerveau débranché, comme on se plaît à dire pour justifier la passivité nécessaire pour bien apprécier d’honnêtes plaisirs coupables, on subit ici tout de même des cabotinages énervants car en force, dans une sorte de surenchère permanente, comme si, déjà sur le plateau de tournage, personne ne croyait vraiment en ce qu’il faisait. Finalement, et je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, seul Gilles Lellouche s’en tire avec les honneurs, poussant à son paroxysme, jusqu’au ridicule (un autre bon allié de l’humour), son interprétation d’un commandant de police d’une vulgarité inédite.
C’est ce genre de produit qu’il faut combattre, vendu sur un post-it, parsemé de placements de produits et d’acteurs à la mode, parti pour une promo dantesque et jouissant d’une com’ adroite : il va falloir être costaud pour s’affranchir de cette présomption de « sympathie », mais je vous jure, vous y gagnerez votre temps et votre argent.
Les Gorilles, de Tristan Aurouet avec Manu Payet et Joey Starr – Sortie le 15 avril 2015