Journal intime du festival en cours

Si l’on paraphrase ainsi le titre du film de Philippe Harel et Denis Robert (Journal intime des affaires en cours), c’est que d’affaires, et de finance, ainsi que de leurs conséquences, il fut beaucoup questions ces deux premiers jours. A peine avais-je été jovialement accueilli par l’un des bénévoles des Oeillades qu’en chemin, notre discussion s’orientait déjà sur la dramatique actualité du coin. Le barrage de Sivens est à quelques kilomètres d’Albi, et ici, l’affaire du barrage est davantage qu’un titre à la Une du journal. Si je n’ai pour l’instant pas rencontré de partisans du camp adverse, je ne peux que constater, pour l’instant, que la mort de Remi Fraisse a laissé des traces. Pas sûr que la démocratie en sorte grandie.

Ces affaires de gros sous, il en fut aussi question lorsque Christophe Rossignon vint présenter, en sa qualité de producteur, et en avant-première, le film d’ouverture du festival, L’Enquête. Si Rossignon a décidé de s’investir dans le projet, c’est avec le secret espoir qu’il touche une population plus vaste encore que celle d’ores et déjà déjà concernée par le travail de Denis Robert. Il entretient un doux rêve, celui qu’à l’image des habitants de la région, qui se sont mobilisés face à au projet du barrage, le film de Vincent Garenq participe un jour à l’émergence d’une mobilisation importante. Humble et passionné, Christophe Rossignon a bien voulu répondre à quelques questions, sur lesquelles nous reviendrons après le festival. L’Enquête se veut donc, à l’image de Présumé coupable, une fictionnalisation d’un sujet de société. En l’occurrence, le travail acharné d’un journaliste pour démonter le fonctionnement du monde de la finance internationale, et la façon dont celui-ci, à l’image de la Camora, a tenté de le réduire au silence. Ce journaliste, c’est Denis Robert. Longtemps vu comme un mythomane, rejeté par ses confrères, Robert est aujourd’hui une figure de résistance aussi louée qu’Edward Snowden, Julian Assange ou, plus sûrement encore, Roberto Saviano. On ne peut que saluer l’existence d’un tel film qui, à n’en pas douter, aura plus d’impact sur tout un chacun que les 20 années de combat menées par Denis Robert contre Clearstream. Mais l’entreprise est aussi à double tranchant – nous reviendrons plus tard sur ce point. Si la finance, les affaires, la crise et la répression sont dans toutes les têtes, en ce début de festival, la programmation, elle, n’en fait pas une tendance lourde. Difficile, cependant, de ne pas voir dans la carte blanche offerte à Rossignon l’autoportrait d’un producteur engagé. Si, à ses yeux, le débat démocratique est plus important que le fait de soutenir, personnellement, un camp plutôt qu’un autre, la sélection de ses films parle d’elle-même, entre le pacifisme de Joyeux Noël, l’évocation de la ségrégation sociale et de ses conséquences dans La Haine, ou encore Welcome, qui met le doigt sur la façon dont le pouvoir sarkozyste a voulu détruire la solidarité entre les citoyens de ce pays à l’égard des immigrés, eux-mêmes poussés à la clandestinité. La soirée s’achevait sur une nouvelle avant-première, Timbuktu, dont nous avions déjà parlé à Cannes. L’occasion d’apprendre, lors du débat qui suivit, que la situation décrite par Abderrahmane Sissako n’étais pas étrangère à l’intervention de l’Otan en Lybie et au chaos qui en résultat. Intervention dont l’un des buts, pour la France, était de réduire au silence certains témoins gênants d’une affaire de pot-de-vin et de financement de partis politiques. La boucle est bouclée.

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