C’est peu dire que, chez Cinématraque, nous n’avions pas été tendre avec le premier opus. Lancé à grands coups d’affiches promo se reposant uniquement sur les tweets de la blogosphère cinéphile, The Raid était censément « le plus grand film d’action de tous les temps ». Nous n’étions pas de cet avis. Très classique dans le forme, The Raid était alourdi par un scénario sans intérêt et son côté street fight porn assez lassant. Depuis, on a beau évoquer la construction géométrique pyramidale de son récit évoquant les jeux vidéo, la sauce ne prend toujours pas. Qu’en est-il de ce second opus ?
D’une part, Gareth Evans confirme qu’il est aussi doué dans l’art du scénario que Luc Besson. D’autre part, que donner à aimer ou faire détester des personnages, ce n’est pas son rayon. Pour autant, The Raid 2 s’avère moins lassant que son prédécesseur. Disposant de moyens financiers décuplés, grâce à la réussite au box-office de son premier film, Evans quitte sa tour sombre et déploie sa mise en scène à l’échelle d’une ville et de sa banlieue. C’est là que se révèle le double intérêt du film. Lassants, les combats de The Raid l’était car ils demeuraient cloisonnés dans un même lieu ; difficile de comprendre, dès lors, que ce que cherchaient à faire ressortir le cinéaste et son chorégraphe, c’était le rapport des corps à l’espace.
Or, The Raid 2 résume, dès le premier combat, le projet de son prédécesseur, considéré par Evans comme un brouillon : un étalement de corps succombant aux coups dans un espace restreint. Le Gallois est ici bien décidé à montrer ce qu’il pensait faire depuis le début, à savoir repenser le décor comme un espace paradoxal. Dans un premier temps, il divise un territoire immense (ville+banlieue) en plusieurs grands espaces (une autoroute, une cour de prison, un hangar, une boîte de nuit, une impressionnante cuisine), avant de s’attacher, avec son chorégraphe, à les cloisonner. Parfois grâce à la nature des décors aux-mêmes – il en va ainsi de l’excellente scène de l’autoroute, où les protagonistes se battent davantage à l’intérieur des voitures qu’à l’extérieur, ou d’une autre se déroulant dans une rame de métro. Mais à ces cloisons véritables s’en ajoutent d’autres, invisibles, obligeant les acteurs à des corps-à-corps spectaculaires. Car, malgré la violence des coups, bien souvent, les corps, lourds, restent soudés, ne traversent pas le décor. Cette fascination pour le combat rapproché pourrait se traduire par un morcellement du plan, et un recours abusif au gros plan. Il n’en est rien : Evans prend toujours de la distance vis-à-vis des corps au combat, collés entre eux selon la direction du chorégraphe. Le cinéaste, lui, replace les combattants dans l’espace et fait du décor un personnage à part entière, arbitrant les affrontements. A cette façon bien particulière d’associer chorégraphie et mise en scène des décors (assez proche en cela des comédies musicales), s’ajoute une grande diversité des lieux, permettant au spectateur de prendre plus de plaisir devant cette multiplication de bastons. On le sentait déjà dans le premier opus, mais c’est ici bien mieux maîtrisé : ce déchaînement de violence, s’il peut paraître gratuit, va dans le sens du regard que porte le cinéaste sur l’épuisement des corps. En cela, si les deux films souffrent tous deux de nombreux défauts, le second est plus convaincant, l’ultime plan ne nous faisant pas mentir.
Cherchant à offrir à son film un devenir-culte, Evans se sert une nouvelle fois d’archétypes. Le corps du héros devra affronter des Yakuzas, des bandes de criminels indonésiens, des flics forcément pourris et surtout les deux figures charismatiques du film. On retiendra surtout The Hammer Girl (la top model indonésienne Julie Estelle) qui, en deux apparitions, fait oublier le reste du casting. L’aspect iconique du personnage et la fascination du cinéaste pour celui-ci en font la plus belle apparition du film, tout à la fois tragique et belle. Son comparse, grand joueur de baseball, offre au film des scènes relativement savoureuses, et parfois très drôles.
A la lumière de ce second film, Gareth Evans devrait pendre conscience de ses lacunes en tant qu’écrivain de cinéma et, tout comme il sait travailler en équipe avec son chorégraphe, savoir déléguer à d’autres le soin d’écrire un scénario. Loin d’être le cinéaste anecdotique que laisser présager The Raid, Evans n’a pas non plus le génie qu’on lui prête.
The Raid 2, Gareth Evans, avec Iko Uwais, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Indonésie, 2h30.
Je ne peux hélas que désapprouver… Tu parles de l’epuisement des corps, a juste titre d’ailleurs. Mais justement, cet épuisement était bien plus palpable dans le premier, a cause du temps réel a peu près respecté : les bastons s’enchainaient vraiment, avec épuisement des munitions, d’où le recours aux armes blanches, puis aux poings. Ici, en éclatant son récit dans le temps et dans l’espace, on perd tout suspense, tout halètement face aux scènes de combat, qui n’ont tout simplement aucun enjeu. Dans le premier, celui-ci était certes simple, mais efficace: la survie. Ici l