Shapito show : Objet Filmique Non Identifié

Un tournage de huit mois étalé sur trois années, pour un premier montage de 7 heures… Voilà qui donne une idée de l’ampleur du deuxième long métrage de Sergey Loban, l’un des symboles du cinéma underground Russe depuis son premier film, Pyl, réalisé en 2005.

Véritable fresque surréaliste dont l’ambiance générale n’est pas sans rappeler Jodorowski, Shapito show est sorti sur les écrans cette semaine, en deux parties (de 100 et 110 minutes), elles-mêmes composées de deux chapitres chacune. Soit donc, au total, quatre tableaux mettant en scène des êtres à la dérive, prisonniers de leurs obsessions, rêves et traumatismes, et tous à la recherche d’un moyen de communication qui leur permettrait de s’entourer, enfin, d’un peu de chaleur humaine. Le premier chapitre, Amour, décrit la première rencontre réelle d’un couple qui s’était formé sur internet ; le deuxième, Amitié, suit un jeune sourd qui s’attire le mépris de ses amis pour avoir accepté d’être le sujet d’un reportage ; le troisième, Respect, montre la relation violente d’un père et de son fils, qui s’étaient perdus de vue depuis 8 ans ; enfin, Association raconte le projet d’un jeune producteur voulant lancer la carrière d’un sosie d’un musicien légendaire.

Tous ces personnages vont se retrouver dans un village de Crimée, au bord de la mer Noire, autour d’une mystérieuse compagnie de théâtre proposant le fameux Shapito Show, à la fois élément concret du récit et scène imagée sur laquelle les personnages viennent chanter leurs doutes et leurs espoirs, face caméra. A l’image de ces séquences surréelles, les éléments loufoques et les personnages fantasques sont, dans le film, monnaie courante. Le détail incongru et le décalage de ton sont sans cesse de mise, et la poétique symbolique peut parfois sembler forcée (à l’image de la tempête dans laquelle sont physiquement pris les héros, métaphore de leur tempête psychologique)… Mais, à mesure que les récits se croisent, que les scènes se répètent, filmées de différents points de vue, que les thèmes musicaux, volontairement kitschs, finissent par constituer une mélodie entêtante, on se laisse prendre avec plaisir à cette fresque aussi attachante que bancale, qui a pour avantage – et pas des moindres! – de regorger d’idées : les situations, les cadrages, et les personnages sont d’une grande originalité, et on a l’impression de jeter un coup d’oeil, à la dérobée, à un carnet de croquis d’un dessinateur à l’imagination débordante. Si l’on sort un peu confus de Shapito Show, on s’en trouve également grandement stimulé. Ce qui est sans doute l’essentiel – en attendant une oeuvre plus compacte de ce réalisateur au talent indéniable.

Shapito Show, Parties 1 & 2, Sergei Loban, avec Aleksey Znamesnskiy, Piotr Mamononv, Stas Bareskiy, Russie, 3h41.

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