Lorsqu’hier soir j’ai lu le défi lancé par Cinématraque à ses lecteurs j’ai été soudainement envahie par la culpabilité. Après une nuit agitée, je décidai ce matin de me rendre à l’église de mon quartier afin de me confesser…
J’entrai dans le confessionnal, et au travers des bois grillagés, le curé me demanda : « Qu’est ce qui vous amène mon enfant? »
« J’ai péché mon père, et viens vous demander le pardon »
« Vous avez cédé à la tentation, avez vous cédé au péché de chair ? »
« Non mon père »
« A celui de l’envie, de l’orgueil, de la vanité ? »
« Non mon père »
« Alors faites vite ma fille je n’ai pas de temps à perdre vous savez… »
« Et bien voila j’adore Maladie d’amour un film de Jacques Deray »
« Comment pouvez vous vivre avec ce poids sur la conscience ?! »
Pire option possible ; j’étais tombée sur un prêtre cinéphile. J’étais donc dans le pétrin.
« Ma fille… si vous m’aviez dit Borsalino ou La piscine je vous aurai pardonnée mais là, un navet pareil, vous avez mérité le châtiment pour une tel romance banale et sans intérêt »
Et le père n’avait pas tort. Car il est vrai que l’histoire est un peu… comment dire… voyez plutôt :
Une jeune femme un peu paumée qui débarque à Bordeaux, trouve un job de shampouineuse et séduit Raoul un médecin chef de service. Il lui offre une garçonnière et des paires de chaussures . Entre temps, Clément le meilleur interne de la promo de Raoul tombe fou amoureux de la Juliette shampouineuse michetonneuse. Pour elle, il met un terme à sa carrière et ils s’enfuient dans un bled paumé des Landes. Clément qui rêvait d’une carrière hospitalière se retrouve dans un cabinet ou il passe ses journées à prendre la tension aux vieux du villages et à diagnostiquer des angines aux morveux. Juliette consciente qu’elle a brisé sa carrière le quitte, retrouve le vieux Raoul . Mais bientôt elle tombe malade, maladie de Hodgkin stade 3, elle est condamnée. Juliette veut mourir , elle pense que c est une maladie d’amour, que c’est un cadeau de la vie. Bien-sûr elle retrouve Clément et la seule chose qu’elle trouve à lui dire c’est « j’ai faim » synonyme de sa guérison.
Alors déjà, je vous le demande, qu’est qu’un gars comme Piccoli vient faire dans cette galère ?! Les films de Claude Sautet lui allaient bien mieux. Ensuite, le scénario et les dialogues sont d’une trivialité affligeante, ce qui dans le cas d’une romance dramatique est franchement de mauvais goût. Dans le feu de mes explications, le père m’interrompt.
« Mais dites moi ma fille, vous m’intriguez, pourquoi aimez vous ce film ? »
« Mon père, j’ai fantasmé sur ce film à l’âge de mes 27ans. J’ai débarqué à Bordeaux pour m’y installer, travailler, et qui sait trouver le grand amour. J’ai alors dégoté un job de visiteuse médicale, certes mieux payé que shampouineuse. Les médecins sexy j’en voyais passer tous les jours et jamais un seul ne m’a adressé le sourire et plus si affinité. Jamais un chef de service, alors que je présentais mes médicaments dans les hôpitaux, ne m’a offert une paire de chaussures. Si j’aime me prendre pour une héroine romantique, on ne pourra pas dire que mes collègues de l’époque m’y ont aidé. Finalement, ce sont eux qui m’on poussé à aimer Maladie d’amour. Je ne suis qu’une victime là dedans »
J’attendais la sentence, espérant que ma diatribe ferait son petit effet et…
« Vous n’avez pas honte à votre âge ?! Vous avez l’âme d’une pucelle… c’est à soigner très vite. Je vous inflige cinq Basic Instinct, cinq Nymphominiac Vol I et Vol II et cinq Le dernier tango à Paris. »
C’est anéantie que je quittai le confessionnal. Je n’ai pas vu le visage du prêtre mais je soupçonne un gars de Cinématraque déguisé en confesseur. J’ai peut être soulagé ma conscience mais une chose est sure, vous ne m y reprendrez plus, Cinématraque.