Plaisir coupable ? Blueberry, grâce à la grippe

Au commencement, il y a une fantastique série de BD, lancée par Charlier au scénario et Giraud au dessin (alias Moebius lorsqu’il planchait sur de la science-fiction). Parmi la grosse quarantaine de tomes tout de même, deux ont ma préférence : La Mine de l’Allemand perdu et Le Spectre aux balles d’or, parus en 1972. Pour faire vite, il s’agissait d’un diptyque particulièrement réussi, mêlant chasse à l’homme, enquête, trahison et course contre la montre, le tout dans une ambiance de western très réjouissante. Visiblement, ces deux volumes ont aussi tapé dans l’œil de Jan Kounen puisqu’il décida d’en faire un film en 2004. En grand fan de Blueberry que j’étais, je brûlais d’impatience de revivre les émotions de ma BD transposées au cinéma, mon média préféré.

Hélas, le film ne respecte pas grand chose de la BD – pour ne pas dire rien du tout – et comme vous vous en doutez, ce fut une cuisante douche froide pour l’adolescent encore naïf que j’étais à l’époque. Mise en scène excessive, acteurs cabotinants (Michael Madsen, si tu me lis), abus d’effets spéciaux. Bref, un western raté !

Pourtant, un jour de grippe pour le moins virulente, je décidai de revoir ce film, emmitouflé sous trois tonnes de couettes avec ma fidèle tasse de chocolat à portée de main. Avec stupeur, je découvris, une fois la déception passée de ne pas retrouver le charme de ma BD, que j’aimais bien. À cause de cette foutue grippe, pensais-je. Un troisième visionnage me permit d’arriver aux conclusions suivantes : soit j’avais la grippe à vie, soit j’aimais bien un film objectivement mauvais. Comme je tiens à ma santé et que je ne déborde pas d’amour pour l’objectivité, je dus me rendre à l’évidence : j’aimais ce film. Je t’entends déjà ronchonner derrière ton écran, vociférant qu’après la liste des reproches que j’ai dressée, cela est inconcevable.

Et pourtant… Si presque tous les acteurs sont mauvais, Vincent Cassel dans le rôle phare s’en sort plutôt très bien. Ensuite, même si ce western ferait passer un Terence Hill pour du Leone, on découvre que le cœur du film est l’expérimentation, l’explosion des codes : ceux du western, de l’adaptation et du cinéma. Véritable plongée au cœur du chamanisme et des hallucinogènes en tout genre, gigantesque doigt d’honneur aux fans de Blueberry, c’est un OFNI (Objet Filmique Non Identifié) sans limite, dans lequel se massent trop d’acteurs, trop de musiques, trop de bruits, trop de bling bling. Si ma grippe a été l’élément déclencheur de mon amour pour ce plaisir (un peu) coupable, je crois qu’au final, c’est cette volonté de mettre trop de tout qui me fait aimer ce film d’un autisme rare, mais d’une générosité qui l’est tout autant.

Ps : j’aimerais quand même bien voir une vraie adaptation de Blueberry.

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