Dimanche dernier se clôturait sur HBO la troisième saison créée par Lena Dunham sur l’entrée dans la vie active de quatre new yorkaises branchouilles et décomplexées. Force est de constater qu’après soixante-six épisodes d’exposition à haute dose du corps grassouillet et tatoué de Lena Dunham, moulé dans des tenues improbables, Girls a changé quelque chose sur la représentation du corps féminin dans les séries, et, plus largement – Lena Dunham devenant l’icône d’une génération – dans les médias.
Se fichant comme d’une gigue de montrer ses bourrelets compressés dans un minishort, blaguant sur ses kilos en trop dans une ville obsédée par ses excès et le healthy living, l’héroïne de Girls présente la figure rafraichissante de la jeune fille made in 2014 qui mise sur sa personnalité et son talent et re-sexualise du même coup le corps féminin dans toute son originalité. Pour déshabituer le regard du spectateur du spectacle toxique du canon de maigreur féminin – avancée féministe non négligeable – il fallait toute la force et l’élan d’un tempérament comme celui de sa créatrice, qui écrit et réalise également une partie des épisodes.
Mais c’est paradoxalement cet aplomb teinté d’égocentrisme qui fait de la saison 3 de Girls, probablement largement autobiographique, un décalque des précédentes. Paul Valéry décrivait Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau comme le livre somme des « moyens d’existence de ceux qui ont pratiqué l’art d’écrire à travers les âges ». La créatrice, s’apercevant probablement que la série tourne à vide à force d’accumuler des sketches de plus en plus attendus mettant en scène des personnages sans évolution personnelle, s’essaie à l’arc narratif dans la plus pure tradition rousseauiste au milieu de la troisième saison. Elle y réussit correctement et sauve de justesse sa série de l’inanité totale mais accentue de facto le déséquilibre entre le personnage de Hannah, le seul à connaître une évolution significative et les autres « Girls » qui patinent dans la semoule (énième pétage de plomb de Jessa, attentisme de Marnie, échec scolaire subit de Shoshana…) et dont les aventures sont régies par des rebondissements dignes des pires sitcoms. A 27 ans, Lena Dunham impose son culot, et avec Girls, un joli coup d’essai. Mais on est encore loin du coup de maître.
Girls saison 3, créé par Lena Dunham, avec Lena Dunham, Allison Williams, Jemima Kirke, Zosia Mamet, , prod. : HBO, 22X30 min. Diffusé sur OCS du 13 janvier au 24 avril 2014.