Au finish de la première saison, on avait laissé Frank Underwood sur une victoire éclatante (il était finalement nommé Vice-Président à la suite d’un nombre impressionnant de manipulations diverses), et la série phare de Netflix sur une impression mitigée, étonnant mélange d’un indéniable savoir-faire et de grossièretés narratives. Le premier épisode de la seconde saison enfonce le clou en assumant pleinement le caractère outrancier du show : non, malgré ses nombreux rappels à l’actualité (shutdown du gouvernement, relations houleuses avec la Chine) House of Cards n’est pas une série réaliste sur le fonctionnement des institutions américaines. Elle est bien plutôt une relecture moderne de la tragédie shakespearienne, voire carrément, comme le remarque Pierre Serisier dans son article, un remake de Macbeth.
Ceci posé, les surprises seront peu nombreuses au cours de cette deuxième tournée, à laquelle on peut reprocher peu ou prou les mêmes choses qu’à la première, en premier lieu le manque de cohérence de l’univers politique qui y est développé. En effet, le personnage d’Underwood est présenté comme un cas extrême et unique en son genre, ce qui déséquilibre fatalement tous les rapports que celui ci entretien avec ses pairs. Encore une fois, il est plus malin, plus méchant, plus vicieux, même, que tout le Capitole et la Maison-Blanche réunis. Ainsi, la relation qui se noue entre le couple Underwood et le couple présidentiel est la grande faiblesse du show, ce dernier étant présenté comme beaucoup trop facilement influençable. Dans l’univers impitoyable que décrit House of Cards, le Président devrait en toute logique être un personnage moins naïf et plus retors, ce qui par ailleurs correspondrait sans doute mieux à la réalité.
D’autre part, la série développe maladroitement plusieurs de ses pistes narratives (le combat du jeune journaliste et celui du hacker d’opérette sont bien faibles, la relation du conseiller Doug Stamper avec la jeune prostituée est sans intérêt), en escamote d’autres (le conflit entre Claire Underwood et son ancienne employée ne va pas plus loin que le premier épisode). L’enchaînement des procédés dont use Underwood reste toujours aussi attendu, même si on observe avec un regain d’intérêt les difficultés réelles dans lesquelles celui ci s’empêtre un moment dans la deuxième moitié de la saison – en raison de la ténacité de son seul véritable adversaire, le rosse businessman Raymond Tusk.
La réalisation – confiée en grande majorité au cinéaste James Foley – trouve ici son rythme de croisière, à base de travellings fluides et de montage discret. Cette sobriété efficace permet la réussite de quelques épisodes, comme celui qui voit Claire Underwood assumer de manière inattendue son passé lors d’une interview alors que son mari et allié est coincé au Capitole, ou encore ceux qui voient la surexposition médiatique du couple atteindre de manière fatale leurs plus sincère relations, le modeste restaurateur Freddy et l’intègre photographe Adam Galloway.
Même si l’on attendra la troisième – et vraisemblablement dernière – saison pour trancher, House of Cards reste pour l’instant une série de moyenne gamme, divertissante et parfois intelligente, mais trop souvent balourde pour entrer dans la cour des grandes.
House of Cards, saison 2. Série Créée par Beau Willimon. Avec Kevin Spacey, Robin Wright, Michael Kelly. USA, 2014. 13×50 minutes. Diffusion sur Canal+ à partir du 13 mars.
J’approuve a 100 % vos commentaires. Je suis reste incrédule devant le personnage du président. C’est a se demander comment il est devenu président, il n’est entoure de personne, n’a aucun conseiller autres que Tuck au debut. [SPOILER Le retournement de ce personnage et ses décisions lors des derniers épisodes sont ridicules. [SPOILER]
Meme le personnage de Claire Underwood, est au final sans grand interet. Elle doit presenter au cours de la serie, 2 expressions en tout et pour tout et son role de manipulatrice est certes present, mais ne souffre pas trop la comparaison avec Lady MacBeth.
Tout cela ne m’a pas empeche de regarder avec plaisir toute la saison en une semaine, mais les histoires annexes sans grand interet ne permettent pas au scenario de respirer correctement et de garder la tension constante. Dommage.
guilhem, je trouve au contraire assez réaliste le personnage du président incrédule, presque naïf, à la merci de ses conseillés: il est finalement assez proche de beaucoup de présidents des USA élus sur leur popularité et leur rôle de partie visible d’un parti ou d’une équipe. Il est évident qu’un homme comme Henri Kissinger a en réalité présidé au destin international des USA pendant des dizaines d’années.
Quand au personnage de Claire Underwood, il va évidemment prendre de l’épaisseur quand celle-ci va commencer à s’opposer à son mari. Il est inévitable que cela arrive.