Après le succès mérité d’Un monde sans femmes (58min) Guillaume Brac prouve avec ce premier long métrage qu’il fait partie du peloton de tête du nouveau panorama français du cinéma d’auteur et nous offre un film d’une puissance mélancolique rare. Une folk song aux résonnances cold wave pourrait paraître bizarre ? Pourtant, Brac réussit ce pari audacieux. Sous ses airs de comédie légère, Tonnerre nous joue au même instant, tout bas, une tragédie douloureuse.
L’amour, cette comédie romantique où rôde un drame.
Maxime, rockeur parisien trentenaire joué par Vincent Macaigne, retourne chercher l’inspiration et une certaine « tranquillité » dans la petite ville de Tonnerre, où habite son père, un senior fantasque joué par l’excellent Bernard Menez. Un peu par hasard, il rencontre Mélodie (Solène Rigot), jeune journaliste pleine de fraîcheur venue l’interviewer pour le journal local. Maxime en tombe amoureux et, de balades en petits riens, leur relation commence… jusqu’au jour où sa disparition et un sms de rupture viennent tout foutre en l’air. Vincent Macaigne est comme à son habitude incroyable de justesse, mais à travers ce personnage ultra sentimental qui subit une déflagration violente, un coup de tonnerre au cœur, le cinéaste lui offre une énième touche qui rehausse d’une tonalité plus sombre son magnifique portrait (on pense à Patrick Dewaere dans Série noire de Corneau, c’est dire ).
« Les gens t’oublient très vite et te remplacent par quelqu’un d’autre. Et là, j’peux te dire que c’est le grand vide » dit Maxime en évoquant le creux de la vague qui fit suite au succès de son premier album. C’est Brac lui-même qui parle, voix d’un cinéaste ayant affronté l’angoisse de l’oubli et la peur du vide après la réussite de son moyen métrage. C’est touchant, simple, sincère et tout le film est ainsi fait. Sous l’étiquette « Guillaume Brac » : réalisme provincial, jeux de l’amour, conversations improbables et humour délicat ; l’auteur brode, en sourdine, puis de plus en plus fort, les fêlures, l’amertume et les angoisses de personnages à la dérive.
Étrange alchimie.
Temps suspendu des visages et atmosphère décalée des paysages : Tonnerre est d’une audace folle, un film à l’image de la vie, entre scènes véritablement drôles (chien fan de poésie, famille de sommeliers, vendeur de sapin tricolore, femme à toque de fourrure…) et révélations graves (rupture, deuil, maladie, peur de l’échec…) ; alternance de tensions amoureuses et dramatiques ; mélange ambitieux et honnête des genres (comédie, drame, thriller) et enchevêtrement dess thématiques. Le talent de Brac, malgré la difficulté évidente, est de réussir à faire tout cela en même temps, avec brio, en gardant ce panache si particulier, cette justesse.
Déraillement.
Il serait dommage de voir dans le troisième volet du film, magnifiquement désespéré, marqué par la rage et la jalousie, une simple tentative scénaristique de relancer le récit. L’audace du cinéaste réside justement dans sa capacité à sans cesse rebondir sur ses propres acquis, à toucher peu à peu à autre chose, à un autre film, sans commune mesure avec le programme qu’on aurait cru joué d’avance, et à nous proposer, à l’instar d’un Guiraudie, une oeuvre différente, où chaque scène est l’occasion de prendre le contre-pied de son propre cinéma. Et ainsi nous permettre, en tant que spectateurs, de goûter, comme le personnage, au désarroi. C’est une jubilation cinématographique qui n’a pas de prix et, soulignons-le encore, une prise de risque à applaudir, l’auteur faisant confiance à notre capacité à être troublé. La clef du cinéma de Guillaume Brac n’est donc peut-être pas seulement là où nous pensions qu’elle était accrochée (Rohmer, Rozier). Et puisque nous avons la chance de voir naître dans le paysage cinématographique français un jeune cinéaste ambitieux qui cherche à nous livrer quelque chose de complexe, à l’heure où cynisme ou énergie foutraque semblent être les seules voies, ne boudons pas notre plaisir et laissons nous porter par la sincère et inquiétante étrangeté de Tonnerre.
Tonnerre, Guillaume Brac, avec Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Ménez, France, 1h40.
Bonjour
article intéressant sur un film génial 🙂
Vous pouvez aussi découvrir mon article sur Tonnerre à cette adresse : http://dimanchesoirdemerde.blogspot.fr/
Bisous !
Tout ça c’est à peu près vrai, même que un peu exagéré dans l’effet que cela produit sur le spectateur, mais le problème reste que Vincent Macaigne est quand même trop moche pour profiter du jeu des acteurs ^^
Un rocker ça peut pas être un looser comme ça, je permets pas!