Zulu, c’est le film qui, à la surprise générale, est venu clore la dernière édition du Festival de Cannes. En tête d’affiche, l’américain Forest Whitaker, sans doute l’un des acteurs les plus doués de sa génération (Bird, Le Dernier Roi d’Ecosse, Le Majordome…), et le british Orlando Bloom qui, une fois n’est pas coutume, n’arbore pas sa tête de jeune premier. Réalisé par un français, Jérôme Salle, le film a toutes les caractéristiques d’une grosse production, non pas américaine, mais mondialisée.
Les affiches du film, accolées depuis quelques semaines dans les couloirs gris du métro parisien, promettaient le corps terriblement musclé d’Orlando mais pas seulement. Zulu, c’est d’abord un excellent film d’action, brut et entraînant. L’intrigue commence au sommet d’une butte, dans le jardin botanique de la ville de Cape Town : le cadavre d’une jeune fille est retrouvé, sévèrement amoché. C’est ici qu’entrent en scène Ali Sokhela (Forest Whitaker) et Brian Epkeen (Orlando Bloom), pour enquêter et traquer le tueur. Jusque-là, rien de plus classique, un film de flic avec meurtre sordide et drogue, à un détail près : le décor. Le film prend place dans une Afrique du Sud post-apartheid ; depuis les banlieues résidentielles riches jusqu’aux townships, c’est avec une vraie acuité et un vif intérêt que Jérôme Salle filme les différents visages de Cape Town.
Dans l’ombre de la réconciliation nationale, Zulu nous présente une société encore meurtrie par une terrible période de son histoire. Les violences symboliques et physiques, la drogue et les jeux de pouvoir entre force de police et gangs, sorte de mafia à peine dissimulée, sont prégnants et viennent dépeindre le portrait d’un pays qui malgré le processus de réconciliation mis en place par le gouvernement a du mal à digérer son histoire: ce passé qui justement ne passe pas.
Le film s’ouvre sur le personnage d’Ali Sokhela (Forest Whitaker) qui a été un enfant victime des exactions de l’apartheid. Pourtant Ali représente une véritable charnière portant l’idée que le futur n’a aucune raison de ressembler au passé. Le postulat qui hante le film est celui du pardon comme fin d’un cycle, celui vicieux de la vengeance. Etre perfectible, Ali Sokhela est prêt à collaborer avec l’ancien ennemi, citant allégrement Mandela, afin que le pays recouvre quiétude et sécurité. C’est probablement ici que la morale du film est à questionner : comme Dieu qui demande à Abraham de sacrifier son fils, Ismaël, afin de lui prouver sa foi, Ali doit résister malgré toutes les violences faites à son équipe ou à ses proches. Jusqu’à quand Ali, personnage immaculé, y compris sexuellement, parviendra-t-il à conserver sa bienveillance à l’égard d’un monde corrompu ?
Trajectoire individuelle mais aussi collective, le film montre la cruauté latente héritée de l’apartheid et de la lutte des blancs contre les populations noires, à grands renforts d’une drogue devant les entraîner à s’entretuer les uns les autres dans des accès de folie.
Comme il s’agit de l’adaptation d’un roman, celui de Caryl Férey, le film est riche de multiples subtilités et de micro-intrigues, accordant ainsi à ses personnages une épaisseur et une histoire. Brian Epkeen notamment ressemble à s’y méprendre à un McNulty africain (The Wire), trentenaire testostéroné, alcoolique et satyriasique.
Après Largo Winch I et II, respectivement 1,7 et 1,3 millions d’entrées, le réalisateur français Jérôme Salle, aussi connu pour Anthony Zimmer, se révèle un excellent élève du cinéma américain : vue aérienne, steady cam et caméra portée, montage saccadé, le tout porté par la musique d’Alexandre Desplat. Si le scénario manque parfois de subtilité, la mise en scène de Jérôme Salle, elle, finit de nous convaincre lors d’une dernière scène terrible et majestueuse, dans l’épuisement des corps, des lieux et du temps.
Zulu, Jérôme Salle, avec Orlando Bloom, Forest Whitaker, Conrad Kemp, France, 1h40.
Bonjour, Zulu a été « descendu » par beaucoup de critiques et c’est bien dommage car je le trouve réussi au tant du point de vue du scénario, de la réalisation et des acteurs (Orlando Bloom m’a agréablement surprise). Bonne après-midi.