Depuis quelques années, Jason Blum, via sa maison de production Blumhouse, tente de renouveler le sous-genre horrifique de la maison hantée. Plus généralement, il utilise ses films pour formuler une réflexion sur l’horreur au cinéma. En cela, il a été grandement aidé par le jeune James Wan, repéré grâce au succès de son premier film, Saw. Insidious est à ce jour la plus belle réussite de Blumhouse, et le style de son producteur, mêlant vitesse de réalisation et efficacité, au service d’une direction artistique souvent irréprochable, fait aujourd’hui des émules. Il n’est donc pas étonnant qu’en voulant surfer sur la vague, Newline embauche le meilleur de ses poulains, le suscité James Wan. Aux côtés de Blum, l’auteur a appris à se débarrasser du sens de l’esbroufe qui alourdissait Saw, et à travailler son sens de l’espace et de la gestion des décors, éléments essentiels au bon traitement de l’angoisse au cinéma.
C’est avec ce bagage, et fort d’une maturité nouvelle, que James Wan arrive chez Newline, pour y réaliser un hommage au plus effrayant des films de maison hantée, The Haunting de Robert Wise. On sent chez l’auteur, à l’égard de ce film, un amour sincère et un refus absolu du cynisme, si fréquent dans les productions d’horreur depuis l’avènement de Scream. De cela, ainsi que de la modestie de leur démarche, procèdent en grande partie les réussites de Blum et de Wan au sein de l’écurie BlumHouse. Ce qui, pour autant, n’empêche pas leurs films d’être des sujets d’étude passionnants. La sincérité de Wan s’illustre également par sa volonté de peindre le portrait des époux Warren (dont il est dit que le travail sur le paranormal et la démonologie a conféré aux sciences occultes une certaine noblesse), aidé en cela par Patrick Wilson (vu dans… Insidious) et Vera Farmiga, qui composent leurs personnages avec ce qu’il faut de prestance et de légèreté pour être pris au sérieux.
On voit ce qui, dans ce couple, a pu fasciner le cinéaste, et comment, associé à l’hommage au film de Wise, Conjuring se trouve lui-même hanté par ses expériences au sein de Blumhouse. Tout, dans le film, n’est que souvenirs et images que l’on jurerait sorties de l’esprit de Jason Blum. Une séquence, la plus glaçante d’ailleurs, est une réminiscence du cinéma estampillé Blum : une partie de cache-cache pour le moins effrayante, et dont on se rappellera longtemps. On songe alors à Insidious autant qu’a Sinister ou Dark Skies. Moins marquée que dans les films Blumhouse, la réflexion sur le genre reste d’actualité : il n’était sans doute pas hasardeux de faire appel à Lili Taylor pour y jouer un rôle, la dernière apparition marquante de l’actrice à l’écran remontant au pénible remake de The Haunting. Evidemment, Insidious se voulait une réflexion sur l’évolution de l’image horrifique et l’influence grandissante des jeux vidéos (les Silent Hill de Keiichiro Toyama), dans ce qu’ils ont de plus noble, sur le cinéma de genre. Conjuring, quant à lui, peut être vu comme un clin d’oeil à l’imaginaire pulp des EC Comics et à leurs adaptations télévisuelles, Les Contes de la Crypte. Cet aspect seriel, que l’on devine, montre également les limites du film : on ressent un arrière-goût de déjà-vu. Peut-être parce que la direction artistique, visuelle et sonore, rappelle un peu trop l’excellente série American Horror Story, la nouvelle création de Ryan Murphy. Conjuring, en effet, pourrait faire office d’épisode allongé de ce sulfureux programme, dont la deuxième mouture surpasse même largement l’œuvre de James Wan.
Reste que Conjuring est de loin l’une des meilleures propositions horrifiques qu’il nous ait été donné de voir au cinéma depuis Insidious. Les amateurs de James Wan et des productions Jason Blum attendront donc avec fébrilité la dernière collaboration des deux hommes, Insidious 2, l’occasion pour eux de refermer les portes de l’horreur : alors que James Wan se prépare à relancer la franchise Fast and Furious, Blum s’engage de son côté, tout en gardant son obsession du huis-clos, dans la métaphore politique.
Conjuring, les dossiers Warren, James Wan, avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Ron Livingston, États-Unis, 1h50.
ce film n apporte rien, au pire une caricature du film du genre
Bien vu de mettre l’accent sur l’importance de Jason Blum dans la confection d’Insidious. Mais je ne pense pas personnellement que l’efficacité de Wan se soit diluée dans Conjuring. Il gagne au contraire en efficacité et en ampleur, parvenant à donner une patine de « film populaire » (c’est une étiquette très vague, je sais) à un genre trop souvent assimilé à une distraction pour ados turbulents.
Concernant ses références, c’est moins la Maison du diable que des bandes à l’atmosphère un peu « Southern Gothic » comme Trauma, Amityville II, qui me sont venues à l’esprit. J’aimerais bien avoir l’occasion d’interroger Wan sur le sujet, un jour…
Quand on voit l’ensemble des productions Blumhouse, il est difficile de ne pas voir que ces films sont des films de producteur, dans le sens noble du terme. Je trouve ces films d’une belle intelligence et je suis souvent agacé par la sorte de condescendance de la critique vis à vis de ces films, sous prétexte qu’il ne s’agit que de séries B.
Beaucoup d’influence dans les films de James Wan et bien évidemment dans Conjuring, mais j’ai choisi de mettre en avant celle qui me semblait évidente sans pour autant être mis en avant dans la promotion (contrairement a Amityville, par exemple).