La Rumeur (The Children’s Hour), William Wyler (1961).
Karen (Audrey Hepburn) et Martha (Shirley McLaine), dirigent un pensionnat pour jeunes filles et sont accusées d’entretenir une relation inavouable. La pression exercée par la communauté va faire ressortir les véritables sentiments de Martha, qui est amoureuse de Karen depuis longtemps. La Rumeur est une sorte de transition dans l’histoire de la représentation de l’homosexualité par le cinéma hollywoodien. La fin du film montre en effet le suicide de Martha, puis ses obsèques auxquelles assiste Karen. Une conclusion significative de la difficulté à traiter ce sujet dans le contexte puritain du cinéma hollywoodien. En choisissant de suicider son héroïne, le réalisateur lui permet de s’extraire « dignement » des reproches que lui font les parents, le fiancé de son amie, et l’ensemble de la communauté : ainsi, personne ne condamne, à la fin du film, les sentiments de Martha pour Karen. Mais personne ne la soutient ouvertement non plus, ce choix étant aussi une échappatoire pour le réalisateur qui, par exemple, ne propose pas de réciprocité dans la relation. Sans être une avancée formidable dans l’acceptation de l’homosexualité par le cinéma, La Rumeur est malgré tout un drame poignant, magnifiquement interprété et subtilement mis en scène. Benjamin Untereiner.
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Pédale douce, Gabriel Aghion (1995).
Années 90, cette époque où homosexualité rimait encore trop avec Sida et menace mortelle. C’est dans ce cadre que l’humour décapant de Pédale douce relève le tragique qui fonde le quotidien de l’homosexuel, qui oscille entre la nécessité de se cacher et le besoin fondamental de s’affirmer. Les dialogues signés Palmade-Timsit, sont rythmés et incisifs. Ils servent à merveille un scénario entièrement fondé sur la double résonance des discours et des situations. L’ambiguïté s’érige en principe, elle renvoie à l’ambivalence de tous les aspects constitutifs de la subjectivité, qu’elle soit hétéro ou homosexuelle. Le clivage s’estompe, d’autant que, même s’il a pour fond la socialité-refuge du monde gay; le propos imbrique toutes les tensions inhérentes à l’amitié et à l’amour en général. La mise en commun de l’essentiel des problématiques relationnelles, donne toute sa portée à ce film d’une sensibilité précieuse. Eve Sarfati.
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Mulholland Drive, David Lynch (2001)
Peu de films contemporains ont su atteindre la force de Mulholland Drive, en termes de pure figurativité amoureuse, et ce bien au-delà de la question de l’orientation sexuelle qui nous intéresse aujourd’hui. La relation homosexuelle de Betty et Rita est tout sauf un acquis ; elle se déclare de loin en loin, en sourdine, comme à peu près tout phénomène dans ce cinéma. Blonde et Brune s’associent d’abord, l’une, si naïve, ignorant ce qu’elle risque en s’engouffrant dans l’histoire tordue de l’autre. Puis, en une troublante logique, dans l’association monte progressivement l’attraction. Le tandem ne se mue pas en couple mais entre en phase par l’action d’une recherche commune de « sens ». La beauté terrible de Mulholland Drive est celle de la fusion absolue de deux femmes se découvrant le prolongement l’une de l’autre. L’amour, tragique, se veut aussi une reconnaissance mutuelle. Le jeu, jusque dans sa tragédie, en valait bien la chandelle. Sidy Sakho.
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Le Secret de Brokeback Mountain (Brokeback Mountain), Ang Lee (2005).
Ang Lee réalisa il y a quelques années ce qui fut sans doute une des plus belles histoires d’amour qu’il m’ait été donné de voir au cinéma. Ennis et Jack, deux jeunes ouvriers agricoles, font connaissance au début des années 1960, à l’occasion d’une transhumance. Brokeback Mountain révèle des héros tiraillés entre une vie régie par le conformisme de l’Amérique rurale et puritaine des années 1960, et le caractère inouï et bouleversant des sentiments qui submergent ces hommes, presqu’incrédules face à la force d’un amour qu’ils ne soupçonnaient pas. Ce qu’Ennis ne voulait considérer que comme un incident s’avèrera en réalité être sa plus grande histoire d’amour. Au fil des années monotones se succèdent les brèves entrevues et les longues périodes d’absences, toujours plus intolérables. Jusqu’au moment où la colère nous envahit, spectateurs impuissants de ces deux vies injustement sacrifiées. Il nous incombe alors d’être les gardiens d’un secret sublime et déchirant. Louise Riousse.
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Naissance des pieuvres, Céline Sciamma (2007).
D’une chronique adolescente a priori très commune, la jeune Céline Sciamma tira finalement l’un des premiers films français les plus personnels et inattendus de la décennie 2000. L’amour naissant de la petite Marie (Pauline Acquart) pour la populaire Floriane (Adèle Haenel) est le refoulé d’un ensemble de petits défis quotidiens dessinant discrètement mais sûrement la perspective d’un contact plus franc, plus intime. Naissance des pieuvres est un film qui suit la montée du désir d’une fille pour une autre (allant jusqu’à récupérer ses déchets) sans brandir l’étendard d’une quelconque subversion queer. L’orientation sexuelle est une piste cinématographique comme une autre que la cinéaste a l’intelligence de suivre sans discours, mais avec force fermeté. En résulta pour beaucoup un véritable coup de foudre cinéphile que le film suivant, Tomboy, n’invalidera pas. Sidy Sakho.
Thème récurrent et riche du cinéma… J’ai un dossier en 4 parties sur ce même sujet… Il date un peu, une remise à jour de ces 3 dernières années serait sans doute une bonne chose 🙂
http://www.selenie.fr/article-l-homosexualite-cinema-pionniers-82372398.html
http://www.selenie.fr/article-l-homosexualite-cinema-prise-conscience-82372400.html
http://www.selenie.fr/article-l-homosexualite-cinema-l-evolution-moeurs-82372401.html
http://www.selenie.fr/article-l-homosexualite-cinema-conclusion-avenir-82372402.html