Si Ma vie avec Liberace a par moments le panache d’une classieuse révérence, le mérite en revient à Steven Soderbergh, sa minutie et sa science du détail, qui rendent d’emblée crédible et tout à fait banal l’univers rococo de Liberace. Il dirige à merveille ses acteurs, dont un Michael Douglas qui livre ici une performance puissante, un rôle à Oscar dans ce qu’il y a de plus noble. Cependant, le film déçoit par sa façon de rentrer dans le moule du biopic hollywoodien, qui semble marquer une sorte de renoncement de la part du réalisateur. Son nouveau film est produit par la télévision. C’est le lot des plus grands, il est vrai : Hitchcock et Welles sont passés par là.
Mais alors, que penser d’un festival qui fête le cinéma sous toutes ses formes ? Où la télévision (particulièrement Canal +) a autant de pouvoir ? Où un téléfilm de facture assez classique concourt avec des films de cinéma ? Ma vie avec Liberace mérite sans doute sa place à Cannes, parce qu’il met en scène un monde en toc, dans lequel on se presse pour se montrer, et où le culte du paraître est érigé en mode de vie. On peut voir en Soderbergh un cinéaste qui a su, tout au long de sa filmographie, tisser des ponts entre les cinémas indépendant, expérimental et hollywoodien; il n’empêche que Ma vie avec Liberace donne une image assez faible de son oeuvre. Gilles Jacob et Thierry Frémaux offrent un ultime honneur à un homme qui, depuis quelques années, promet de mettre un terme à sa carrière. Quoi qu’il en soit, la vision de son dernier opus confirme que ce n’est pas en compétition officielle que l’on trouvait cette année de vraies propositions de cinéma. Tout juste se dit-on qu’en décrivant, de façon assez sociologique, le mode de vie et la perception de l’homosexualité à Las Vegas dans les années 70, Soderbergh parle aussi du Hollywood contemporain. Et nous souffle qu’hier comme aujourd’hui, les stars paient cher pour cacher leur homosexualité.
Ma vie avec Liberace (Behind the Candelabra), de Steven Soderbergh, avec Matt Damon, Michael Douglas, Rob Lowe, États-Unis, 1h58.
Bonjour,
à rebours de cette critique, il me semble que ce n’est qu’en apparence que Ma vie avec Liberace adopte la forme du biopic classique. Ce dernier opus de Soderbergh travaille des thèmes qui lui sont chers: révéler derrière les apparences les sourdes économies (affectives, financières, politiques…) qui déterminent les individus pour ainsi dire dans leur dos. La précision de la mise en scène, le jeu constant sur les miroirs et les anamorphoses qu’ils engendrent, les reflets toujours trop éphémères, mettent en creux, la tristesse des êtres qui n’ont plus qu’à se vendre comme unique identité et devenir. La linéarité et la simplicité du récit sont un trompe l’oeil. Cinéaste rusé ses films paraissent naïfs mais il est du destin de la ruse d’apparaître naïve à des spectateurs naïfs trop savants. En tous cas, il est bon de voir le film pour déceler ce qu’il y a « Behind the Candelabra »…
Très bon commentaire que celui de Sebastien.
Épousant parfaitement son sujet, le film de Soderbergh est bien plus profond que ce que son vernis ne pourrait laisser croire (comme du reste, la plupart de ses films). On n’oublie de dire à quel point ce film parle de choses contemporaines à commencer par la reconnaissance devant la loi des couples homosexuels et des dérives que cette carence en droit peut engendrer.
Concernant la forme, le classicisme apparent ne rime pas forcément avec académisme; que ce soit pour ce qui concerne le montage, le travail de la lumière sur le rendu des textures ou la direction plus subtile que dans la plupart des biopics hollywoodiens, il y a dans ce « téléfilm » bien plus de cinéma que dans la plupart des films en compétition à Cannes cette année (au hasard, le très pépère « Grand Central » qui nous hurle à force de caméra portée, de sujet vaguement social et d’intrigue anémique sa prétention à nous offrir du grand art).
Les commentaires de Sebastien, sont toujours très pertinents j’avoue. Rage… 😉