Heli est un film mexicain. Et déjà, en amont de la projo, les souvenirs des festivals passés de me laisser à penser que de courage je devrai sûrement m’armer lorsque je mettrai (enfin) mes deux pieds (mouillés) dans la salle. Oui, car dans la file d’attente, il pleut, et je suis bien trop orgueilleux pour me laisser avoir par ces vendeurs de parapluie à la sauvette qui ont remarqué, les bougres, que j’étais certainement le dernier journaliste non équipé.
Film mexicain, donc. C’est un peu comme les films autrichiens, sur le papier ça ne vend pas de la féerie, des étoiles dans les yeux et dans le cœur. Il y eut l’an dernier Despues de Lucia, dont la tarte au sperme en avait dégoûté plus d’un, et Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas, où l’on frappait les clebs sans scrupule. Reygadas, son nom apparaît d’ailleurs au générique de Heli dont il est co-producteur, ce qui peut donc laisser à penser que nos amies les bêtes vont reprendre cher.
Et s’il est une loi cannoise fiable, c’est celle des a priori vérifiables. A priori, il allait pleuvoir pour la première montée des marches, a priori Di Caprio serait plus applaudi que Daniel Auteuil, a priori, Heli allait être une épreuve. Combo.
Heli, jeune mexicain d’une petite vingtaine d’années a une petite sœur, qui s’éprend d’un voyou trop vieux pour elle. Et tout ce petit monde paiera pour les bêtises dudit voyou. Sans trop dévoiler l’intrigue, qui en soi n’a rien de bien exceptionnel, on peut dire que deux chiens seront tués, et qu’un zizi sera brûlé en gros plan, entraînant le départ de pas mal de journalistes en projo presse.
La mise en scène d’Escalante possède une force assez étonnante, notamment dans l’aspect sinusoïdal de son rythme (la grande qualité du cinéma mexicain), choquant lorsqu’il doit l’être, mais surtout lent, assez lent pour laisser le spectateur, parfois, reprendre son souffle. Des acteurs, il n’y aura rien non plus à redire.
C’est toujours le propos qui gêne. Comme pour les deux films précédemment cités, il s’avère manichéen au possible, extrême et souvent difficilement soutenable. Le cinéma du Mexique, c’est le parfait opposé du cinéma d’Autriche, qui lui est froid, et extrêmement suggestif dans l’horreur, mais pas moins choquant pour autant. L’Autriche, c’est l’horreur du hors-champ, le Mexique, c’est l’horreur dans le champ. Dans les deux cas, c’est d’horreur qu’il s’agit, de déviances et de vengeance.
Chez Escalante, la mise en scène ne justifie pas les scènes chocs, et se serait suffi à elle-même, amenant dans ses moments creux une ambiance très glauque, suggérant toute l’horreur des guérillas du Mexique. Mais le cinéma mexicain donne l’impression de vouloir expliciter le trash, montrer le jamais montré, comme pour s’assurer de choquer les spectateurs. Seulement à trop vouloir choquer, les Reygadas, Franco et autre Escalante agacent. Leurs grosses ficelles, on les a vues, pigées et assimilées. Et les images chocs, finalement, de se banaliser : on savait avant d’entrer dans la salle qu’on allait y avoir le droit, la surprise n’est plus.
Je rêve d’un Haneke mexicain, et d’un Escalante autrichien.
Heli, d’Amat Escalante, Mexique, 1h45.