[Ciné-club 3] La Chose publique

La semaine dernière, se tenait la troisième édition du ciné-club de Cinématraque. Marcelo Novais Teles taulier de la Barricade  et co scénariste du film était  présent avec Mathieu Amalric pour introduire ce long métrage, « La Chose publique ». Ce film resté peu de temps à l’affiche a pu être découvert par les cinéphiles de Cinématraque. 

Chaque mois, nous profitons du Ciné Club pour introduire de nouveaux auteurs. Cette semaine c’est  Myriam Zidi qui rentre dans l’équipe.

Que se cache-t-il derrière ce titre énigmatique ? Rien d’autre qu’une terrible histoire d’amour. Ou plutôt : l’histoire d’une séparation.

Philippe (Jean-Quentin Chatelain) réalise un film sur le thème « Masculin/Féminin » pour Arte. Cette vie, publique et professionnelle, n’a pourtant de cesse d’être parasitée, voire vampirisée, par sa vie privée : le départ de sa femme Julia (Anne Alvaro). Cette rupture passionnelle agit sur le film comme une force centripète. Contaminant non seulement les humeurs mais aussi, bientôt, le scénario, la vie privée se fait le patron de la vie publique. Comme pour mieux garder la face, comme une catharsis, bientôt, les images du films et celles du couple vont s’enchevêtrer. Ce n’est pas sans une certaine élasticité, presque brouillonne, que la mise en scène trafique de séquence en séquence, pour accoucher d’un drôle de film.

En effet, le film ne cesse, bon an, mal an, d’essayer de faire tenir ensemble les images du film, celles du tournage et celles de la vie privée de son réalisateur. Ce drôle de collage ne tend bien sûr qu’à exploser, à force d’enchevêtrements. Et c’est insensiblement que le film glisse du cocasse au dramatique, de la fiction à la réalité.

On gardera ainsi en tête cette scène époustouflante de tournage dans laquelle Danièle (Michèle Laroque), ancienne coiffeuse démarchée par le Maire (Bernard Menez), se transforme au moment d’entrer dans la pièce du conseil municipal en Julia, la femme de Philippe. Commence alors une dispute d’une violence symbolique terrible dans laquelle Julia, la femme, accuse, l’homme et le réalisateur, Philippe, de s’être servi de leur amour. L’histoire reprend donc ses droits sur les scénarios. Après discussion avec Mathieu Amalric lui-même, on apprend qu’aucun des figurants n’étaient au courant de l’entrée fracassante de Julia. Ainsi auront-ils tous cru que la dispute était réelle entre Anne Alvaro et Jean-Quentin Chatelain.

Etonnante saisie du réel, le film joue alors en permanence de ces espaces. Le film dans le film relève tout à la fois de la fiction et de la captation avec des interviews réelles, prises sur le vif, sur le thème de la parité. Aussi, si dans la vie publique les relations genrées n’ont pas grand chose d’égalitaire, en amour, le rapport de force est beaucoup plus compliqué, plus intense aussi. Julia et Philippe se quittent certes, mais ce n’est pas sans s’aimer, c’est bien cela le plus déchirant.

Expérimental, c’est le premier mot qui vient à l’esprit en regardant le film, et du coup, presque consensuel aujourd’hui. Mathieu Amalric dira : « Aujourd’hui tout le monde filme comme ça » ; sans doute a-t-il raison, parce qu’après dix ans de tâtonnement ce cinéma arty a gagné peu ou prou ses lettres de noblesse. La forme n’étonnera donc pas nos yeux aguerris ; et pourtant, le cinéma étant l’art d’une civilisation, on appréciera cette forme encore inédite dix ans auparavant et ses dialogues savoureux.

Ainsi, Mathieu Amalric s’essaie ici, plus qu’il ne réalise, à une sorte d’ovni visuel.

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