[L’image de l’année] 4h44, Dernier jour sur Terre d’Abel Ferrara : Ce n’est pas l’heure !

S’il fallait garder de 2012 une image, un plan, un photogramme : les rédacteurs de Cinématraque se prêtent à l’exercice.

Ce moment du dernier film d’Abel Ferrara est peut-être le plus fort, celui où s’incarne le mieux un vrai point limite : la prise de conscience par un homme accompli que cette fois tout est joué, que la mort, la chute, il n’y échappera pas. Plus tôt, Cisco (Willem Dafoe) assistait médusé au suicide d’un voisin, qui par ce geste radical se voyait sans doute un peu maître de son destin, à l’heure où se confirme l’imminence de l’apocalypse. Bien qu’en compagnie de la femme qu’il aime, Skye (Shanyn Leigh), il en vient à se demander si le choix de cet homme n’est finalement pas l’exemple à suivre. C’est alors que surgit son Amour qui, incapable de savoir s’il est sérieux ou non, tente de le convaincre de ne pas la quitter. Pas comme ça, pas aujourd’hui. Nous sommes à peu près au milieu du film et même si vous ne l’avez pas encore vu, je ne pense pas lever un grand mystère en disant que Cisco ne sautera pas.

Ce qui me parle dans cette image, plus encore que dans celles, si belles, d’étreinte entre ces lovers en sursis, c’est qu’elle figure comme nulle autre une certaine réalité psychologique et physique, un état humain très précis à l’heure potentielle de l’apocalypse. 4H44 Dernier jour sur Terre restera tout du long un film à hauteur d’affects, de désirs, plus proche des corps, de la peau de ses personnages que de l’orchestration du désastre à venir. Ferrara, s’il est devenu un auteur rare, reste surtout l’un des artistes les plus au diapason de son temps, saisissant à égalité le grand désespoir contemporain et les mille vertiges de la technologie. Son cinéma gagne depuis quelques films (disons New Rose Hôtel) une dimension universelle de plus en plus vertigineuse. L’histoire d’un homme est aussi celle du monde entier. Raison pour laquelle il garde une longueur d’avance sur nombre d’autres cinéastes travaillés par la vie des nouvelles images (Fincher, Soderbergh…). Si la fin du monde n’a pas eu lieu, vous savez maintenant où célébrer cette – longue ? – prolongation.

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