Se procurer aujourd’hui la première partie de la saison finale de Breaking Bad, c’est un peu comme aller chercher sa dose de «blue meth» auprès de Mr White. En effet, les lois du marché en matière de séries entraînent un sérieux paradoxe temporel : grâce à l’internet, le monde entier est au courant de la diffusion des épisodes sur AMC, aux Etats-Unis: en un clic, le fan peut voir des bandes-annonces, consulter des résumés et même des critiques détaillées.
Mais légalement, impossible de les voir chez nous avant leur diffusion sur Ciné Orange Séries, dans plusieurs mois. Hypocrisie ? Quoi qu’il en soit, chez Cinématraque, comme au Monde ou à L’Express, on n’attend pas que l’offre vienne à nous : on va se servir, chaque semaine, auprès du dealer du coin.
La saison 4 s’était terminée par la spectaculaire réussite du plan le plus ambitieux et le plus machiavélique jamais mis en place par Walter White. Cependant on ne pouvait s’empêcher d’émettre des réserves concernant la viabilité technique de ce plan, dont l’application concrète comprenait une part beaucoup trop importante d’imprévu humain. La série se tenait, depuis son origine, sur le fil ténu de l’acceptable : cette saison 4 l’avait vue clairement basculer du côté de l’invraisemblable.
Mais on avait oublié que le génie de Walter, en fin de compte, tenait à une chose très simple: sa formidable capacité à mentir, et à mentir pour cacher le fait même qu’il ment. L’efficacité de ses mensonges est due à la part de vérité qu’il utilise systématiquement comme base. Walter ment à l’un (Jesse, ou sa femme) avec la vérité de l’autre, et vice-versa. Et qui donc invente et place dans la bouche de Walter tous ces mensonges géniaux et vicieux, si ce n’est les scénaristes? Ce sont eux qui nous baladent, depuis 4,5 saisons, au gré de la mégalomanie galopante du personnage de série le plus fascinant depuis Tony Soprano. Et ce sont eux qui écrivent, jour après jour, sous le joug d’une discipline de fer (passionnant entretien avec Vince Gilligan dans le N°2 de So Film), ces scènes improbables au cours desquelles les personnages ont toujours une réaction qui paraît juste, originale, crédible: c’est la part de vérité de la série.
On retrouve donc intact, dans ces nouveaux épisodes, le plaisir intense d’une inventivité scénaristique toujours renouvelée, dans laquelle chaque idée brillante vient s’ajouter au puzzle de causes et de conséquences qui, on n’en doute pas, finira par faire chuter Walt (à la manière d’un scénario des frères Coen, auxquels la série fait régulièrement penser) : on peut citer par exemple la nouvelle location, mobile, du labo de Walt et Jesse (épisode 3) ou bien le casse du wagon-citerne et ses conséquences dramatiques (épisode 5) – Breaking Bad est une série cruelle. Ponctuellement, le fameux «imprévu humain» refait son apparition, notamment dans la séquence où Walt pose un micro dans le bureau de Hank; la mise en scène contient comme toujours son lot d’effets clinquants. Mais cela n’est rien à côté du ciselé de la scène de dialogue entre Walt et Skyler qui remet au centre du tapis, de manière parfaitement judicieuse et pourtant inattendue, l’enjeu principal de la série, que les 2 dernières saisons avaient tendance à laisser de côté : est-ce son cancer qui sonnera la fin de partie pour Walter White ? Ou bien son beau-frère Hank ? Réponse dans quelques mois.
Breaking Bad, saison 5, 1ere partie. Série Créée par Vince Gilligan.
Le cancer ou Hank.. ou Walter lui même? (ou bien Jesse? Skyler? Walt Jr.? Dieu?)
Arg.. la suite, vite!