Le premier long-métrage de la romancière/plasticienne Valérie Mréjen (co-signé avec Bertrand Schefer) sort en DVD : la brève rencontre, dans une ville de province, d’Iris et Jean, une ado en proie à l’ennui et un photographe de passage.
En Ville commence plutôt mal, Mréjen et Schefer cantonnant leurs personnages à des fonctions de récitants (le plus souvent, de dialogues banals, émaillés de citations de Proust ou Valéry, et de questionnements dignes d’une colle de Prépa), d’une justesse relative et en flagrant défaut d’incarnation. Entre pastiche eustachien, détachement poseur et chronique horripilante d’un couple en crise (Merhar et Donzelli écopant des séquences les plus faibles), le film peine à trouver une voie qui lui soit propre.
Sur ces entrefaites alarmantes, le film donne pourtant, en allant, quelques signes de vigueur. Du décalage constant dans lequel semblent naviguer, moins Merhar et Créton que les seconds rôles (Pierrot et Canto en tête), émergent des séquences saugrenues, sans lien direct avec le récit principal (il sera notamment question de la cuisson d’un crustacé), mais qui, étonnamment, le revivifient, et lui permettent d’excéder son cadre ultra-référentiel.
C’est enfin lorsqu’il témoigne d’une réelle attention à la modernité passé de Saint-Nazaire (un décor composite, à vrai dire, puisque se mêlent aux vues de la cité portuaire des plans tournés à Nantes et Limoges), et qu’il autorise ses personnages à se taire, qu’En Ville emporte la mise.
Porté par la belle assurance de Lola Créton (dont les cinéastes s’empressent de fixer la grâce juvénile, de Mia Hansen-Love à Olivier Assayas, dans son prochain Après Mai), le film fait oublier la somme de ses faiblesses dans un dénouement inspiré.
C’est le propre de tout récit initiatique : la rencontre d’Iris et Jean, aussi brève qu’elliptique (et qui, singulièrement, évacue la question du corps), aura pour effet d’infléchir leurs trajectoires.
L’irruption de la jeune fille dans la vie du photographe entraîne, dans son oeuvre, un émouvant retour au sujet : belle séquence que celle où l’on découvre que Jean, qui depuis des années sillonnait le pays en quête de lieux désaffectés, a choisi, pour affiche de sa nouvelle exposition, un portrait d’Iris (pouvait-on envisager prénom plus signifiant, pour une oeuvre tout entière articulée autour de la question du regard ?).
Iris, de son côté, enfin convenablement « regardée », a finalement « éclo » (comme le suggère le titre anglais, « Iris In Bloom »), quittant sa ville natale pour rallier Paris.
A mesure que le film se sera resserré autour de ces deux-là, se sera ainsi joué son double-accomplissement, Iris et Jean soignant un peu de leur mal-être en même temps que les cinéastes, touchant au coeur de leur sujet, s’affranchissaient de leurs tics et affèteries.
Le temps d’une ultime séquence dans un café parisien, où résonnent les premières mesures du Seventeen Seconds des Cure, se parfait le doux spleen de l’ensemble, et nous est révélée la dimension secrète du projet : les années quatre-vingt sont bel et bien finies, mais la cold wave (le désarroi précoce que, pour toute une génération, elle exprimait) n’a jamais reflué, et constitue toujours la bande-son idéale d’une certaine jeunesse contemporaine.
Et le film est vraiment joli !
Ton texte commence plutôt bien.
Comme tu me l’as déjà dit, t’es vendu année 80, parce que pour se plaindre qu’un film fait référence à Proust et Valéry pour, après, s’enchanter qu’il fait référence à The Cure… oh là là là…
Mais non mais non, je blague. Il est très bien le texte, et l’argument est valable.