The Dark Knight Rises, la victoire du capitalisme

Niveau matraquage, Dark Knight Rises se pose là. Depuis un an, l’internet déborde de vidéos virales à son sujet. Il faut dire qu’en ces temps de crises, les studios en ont fini avec les blockbusters, préférant miser sur un cheval à l’allure de mastodonte. Warner compte bien sur le chevalier noir pour faire gagner son poulain. On appelle ces équidés, des tentpoles. C’est quitte ou double, pour un galop d’essai, Disney s’était cassé les dents sur John Carter, mais s’est rattrapé avec le ticket magique de la Marvel : Avengers. Face à ces percherons nos coups de matraques n’auront aucun effet, ils tracent leur chemin sans regarder derrière eux.

Il y a pourtant de quoi faire la gueule face au dernier volet de la trilogie The Dark Knight à la sauce Christopher Nolan. Car c’est le logique retour de bâton d’un tel matraquage, à force on s’était pris à espérer, à croire que oui c’en était fini du fun et que l’on allait avoir enfin une adaptation adulte d’un mythe de la littérature illustrée. Depuis longtemps, en effet, Batman est une figure qui a dépassé le simple divertissement. Que cela soit Frank Miller, Alan Moore ou Grant Morrisson, chacun de ces auteurs ont donné au personnage et à l’univers de Gotham un ciment littéraire tout aussi important que l’œuvre de Lovecraft. Dans le même temps les belles escapades graphiques d’un Mike Mignola, d’un Dave McKean ont permis à la création de Bob Kane de devenir sujet de chef-d’œuvre graphique. Rares sont les personnages de bandes-dessinées a avoir acquis avec le temps une telle épaisseur psychologique et bénéficié d’un univers aussi riche.

Avec Batman Begins, on a cru que l’on s’orientait vers une nouvelle saga cinématographique donnant une nouvelle direction inspirée de l’œuvre de Miller mais avec léger tremblement du réel qui apportait une nouvelle dimension au Batman. Bien qu’elle garde encore les traces de Metropolis, Gotham nous est ici familière, l’impression d’une ville contemporaine plus que futuriste ou imaginaire. Relégué au second plan, voire au dernier plan The Batman laissait la part belle à Bruce Waine. Rentier il prenait conscience progressivement de ses troubles psychologiques tout comme de la part sombre de sa richesse : corruption, détournement de fond, le quotidien du capitalisme contemporain.

Mais dès la seconde partie, The Dark Knight, cela se gâtait. Si par bonheur The Batman y disparaissait, à l’image de Batman Returns, pour faire la part belles aux méchants, Nolan se déchargeait de son bébé et laissait paresseusement à Heath Ledger la charge de tenir sur épaule une grande partie du film. Quatre ans après, on ne garde que la performance profondément sociopathe de l’acteur décédé. Par défaut une autre idée intéressante se dégageait du film : l’affrontement des références : l’univers, réactionnaire, de Franck Miller (Batman et ses gadgets de fils de riches) et celui plein d’idéaux libertaires d’Alan Moore (le joker). Deux frères ennemis, autant politiquement qu’artistiquement qui dans leur positionnement cristallisent le positionnement des États-Unis face au terrorisme et aux méthodes sécuritaires mise en place par le pouvoir. Mal monté et assez décevant, The Dark Knight n’apporte pas grand chose à l’univers Batman.

Nolan, l’enfant (trop ?) chéri d’Hollywood

A la vue de Dark Knight Rises on est en droit de se demander si, au final le vrai problème ne vient pas de l’irrésistible ascension de Christopher Nolan a Hollywood et des choix de production du réalisateur. Car entre le prometteur Batman Begins et The Dark Knight, Christopher Nolan a imposé son calamiteux et réactionnaire frangin ; Jonathan. On est pas étonné de voir ce dernier au commande de la série Nixonnienne Person of Interest. Les bases mêmes de cette série reposent sur The Dark Knight. On peut y voir sans doute une façon pour lui de se venger de l’esprit libertaire qu’Heath Ledger avait réussi à imposer là où Jonathan aurait préféré une orientation fascisante. Et c’est ce qui rend le dernier opus de la trilogie Dark Knight si problématique.

Alors que Batman Begins prenait le chemin des ténèbres, où le pauvre Batman arrivait péniblement à se mouvoir on se retrouve aujourd’hui avec un Batman élevé au statut de héros de l’humanité. Sans insister sur les lourdeurs et les grosses ficelles du scénario, force est de constater que l’ensemble ne sent pas très bon. Lorsque Burton et son chef décorateur inscrivaient la ville de Gotham dans l’esthétique mussolinienne, c’était pour donner corps a l’univers intérieur réactionnaire et violent de Bruce Wayne et on avait pas de mal à voir de quel personnage Burton se sentait le plus proche. TDKR au contraire laisse un goût amer, Bruce Wayne a repris la raison et il s’allie au pouvoir policier pour mater la rébellion. Est ce vraiment la figure héroïque du milliardaire épaulé par les forces de l’ordre que nous rêvons d’avoir, aujourd’hui ? On parle beaucoup de moralisation du capitalisme, l’idée est ici martelée de façon martiale. Les Nolan ne lésinent pas sur les moyens pour imposer leur héros que le peuple se doit d’admirer, mais ils se mettent au service d’un message assez puant. Dans cette période sombre de crise économique, il nous faut croire à un être providentiel et celui là ne peux être que milliardaire. Si il faut choisir son camp, les Nolan semblent avoir choisi, les forces de l’ordre et le capitalisme. On est loin donc de Batman Begins et encore plus loin de l’esprit joyeusement anarchiste des films de Tim Burton.

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11 thoughts on “The Dark Knight Rises, la victoire du capitalisme

  1. Soulagement, ça fait longtemps que je râle contre Nolan (et tout n’est pas la faute de son frère non plus hé!).
    Il faut voir « Super » de James Gunn ! avec le mec de The office.

  2. Il ne faut pas avoir peur, il faut plutôt m’expliquer ce que je n’ai pas compris (et visiblement, je ne suis pas le seul.). En même temps avec toutes ces incohérences et ces ellipses qui tiennent pas debout, Christopher Nolan ne m’a pas aidé…

  3. Super article… Un coup de matraque qui soulage tout le monde de cette pression impossible! La loi de l’offre et la demande ne saurait resister à ce capital clairvoyance.

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