Ralph 2.0 : Disney brise l’Internet

Et voilà. Nos craintes, présentes depuis la présentation du dernier film Disney au festival d’Annecy, étaient bel et bien fondées : le deuxième volet des aventures de la pilote en sucre Vanellope et du bourrin Ralph La Casse est une œuvre dangereuse, qui ne semble pas comprendre comment s’adresser à des enfants. Pire encore, le dernier Disney semble ignorer le pouvoir énorme qu’il détient sur les plus jeunes d’entre nous, autrement dit  que de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités… Ça valait pas le coup de récupérer Spider-Man si c’est pour oublier son principe premier, Walt !

Le premier long-métrage racontait l’histoire d’un méchant de jeu vidéo de salle d’arcade qui voulait devenir un héros, et qui y parvient en développant avec une amitié avec la petite Vanellope, pilote d’un jeu voisin. Ce deuxième volet décide de dépasser le cadre joyeusement rétro des machines de jeu pour plonger dans un monde de fou furieux, celui sur lequel vous nous lisez actuellement : Internet. Le plot ? Le voilà : le volant du jeu de Vanellope est cassé, et il n’en reste qu’un seul modèle en vente sur Ebay. La petite et Ralph vont donc explorer les Internets pour partir à la recherche d’Ebay, mais également d’argent pour pouvoir acheter le volant.

La quête principale du film est donc éminemment problématique : c’est une quête d’argent. Certes, le but des héros reste noble, mais cela ne change pas grand chose : des gamins vont voir une aventure centrée autour d’Ebay. Chouette, non ? Apprendre à des mômes que tout peut s’acheter sur Internet, que l’on peut gagner de l’argent en ligne en cliquant sur des pop-ups (oui, y a ça dans le film) ou en faisant le buzz avec des vidéos stupides (oui, y a ça dans le film), cela ne vous choque-t-il pas ? Personnellement, je trouve le message derrière terrifiant. C’est d’ailleurs la première fois qu’un classique d’animation Disney parle de manière aussi ouverte d’argent ; et c’est plus souvent des considérations d’antagonistes. Vous trouvez ça chouette que nos enfants apprennent devant le dernier Disney que si l’on veut obtenir quelque chose dans la vie, il faut avoir de l’argent ? Évidemment, le problème est que c’est vrai, mais pourquoi faudrait-il déjà ancrer une telle pensée dans leurs têtes ?

Ce gag est exceptionnel. Voir Cendrillon casser sa chaussure de verre comme une bouteille de bière pour se défendre… C’est beaucoup trop drôle, et c’est d’autant plus douloureux de voir ce genre de merveille dans un film aussi nocif. Ralph 2.0 c’est le film Emoji en réussi.

Et il n’y a pas qu’Ebay dans le film, puisqu’on l’on parcourt aussi Amazon, Pinterest et Google… Et bien d’autres sites sont mentionnés ou visibles en cours de route. Enfin le site Oh My Disney, très connu aux Etats-Unis, joue un rôle central dans l’intrigue. Une question alors s’impose : est-ce vraiment cela, Internet ? Et la réponse qui, également, s’impose, est non. Ce n’est pas ça, Internet. Où sont les memes stupides, où sont les forums de fans dévoués, où sont les sites gratuits qui n’ont d’autres buts que le partage d’une passion ? Les fameuses princesses, qui nous ont fait tant rire dans la bande-annonce (et dans le film, soyons honnêtes), ne sont-elles pas la preuve même du problème ? Disney s’est emparé de la fan culture qui s’est amusé à déconstruire le mythe de la princesse, à la relooker, la revaloriser… Et en a fait une version officielle. Une version payante. Le mainstream qui détruit tout sur son passage, qui uniformise et tue la culture en ligne. Ce n’est pas Ralph qui a brisé Internet, c’est Disney. Disney et tous les autres géants mercantiles qui ont vu du profit là où il n’y aurait pas dû en avoir. Si Internet est pour ce cinéma le monde de l’argent… Alors ce cinéma n’a rien compris à Internet, et je ne veux rien comprendre à ce cinéma.

Écrire ces mots est extrêmement douloureux, et ce pour deux raisons. La première est que je suis fan de Disney, que j’achète leurs produits, et j’ai conscience du paradoxe total que représente cette compagnie – le rêve qu’elle défend et le cauchemar qu’elle dissimule dans l’envers du décor. La seconde est que Ralph 2.0 cache un deuxième film, qui n’arrive dans le scénario que dans la deuxième partie : c’est une histoire sur deux amis qui comprennent qu’ils n’ont pas les mêmes rêves. Sur deux amis qui doivent accepter de se séparer pour que chacun vive de la meilleure des manière, tout en continuant à s’aimer. Et la beauté, la justesse et la mélancolie de cette histoire méritait mieux qu’une putain d’enchère sur Ebay. D’ailleurs, pour un sujet extrêmement similaire, on vous suggère d’attendre avril pour visionner Liz et l’Oiseau Bleu

Ralph 2.0, de Rich Moore et Phil Johnston. Sortie le 13 février 2019

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